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Alan Lee, une rencontre

Publié le 12/04/2008
Il a illustré Tolkien ; dessiné Les Fées de Brian Froud ; inspiré et assisté Peter Jackson dans son adaptation filmée du Seigneur des anneaux : Alan Lee était à Bordeaux et il a bien voulu répondre à nos questions. Interview et podcast...

Pour quelles raisons êtes-vous devenu illustrateur ?
J'ai toujours dessiné, et ce depuis ma plus tendre enfance. J'ai eu la chance de pouvoir être scolarisé dans une école spécialisée dans l'art dès l'âge de 13 ans. Puis à 16 ans, j'ai pu aller dans une véritable école d'art. Ainsi, l'idée de devenir illustrateur s'est très tôt fait jour dans mon esprit. J'aimais beaucoup les histoires. Et comme j'aimais dessiner autant que j'aimais les histoires, la conjonction des deux s'est faite chez moi de façons très naturelle. J'avais une préférence pour la littérature traditionnelle, mythologique et fantastique et c'était tout ce que je voulais dessiner. Même si, lors de mes débuts en tant qu'illustrateur professionnel, on m'a confié une grande variété de travaux, allant de la couverture de livres à l'illustration pour des magazines, en passant par des dessins à caractère publicitaire, j'ai toujours voulu illustrer des livres.
Par la suite, j'ai eu l'occasion de travailler sur un ou deux courts projets littéraires avant d'en arriver aux Fées [de Brian Froud]. Ce livre a été publié en 1978 par un Américain du nom de Ian Valentine. Cela m'a conduit au livre intitulé Castles dans lequel figurent notamment des châteaux décrits dans l'œuvre de Tolkien. Or cet ouvrage a été publié en Angleterre par la même maison d'édition que Tolkien. Donc tout a commencé à prendre forme.
J'avais lu l'œuvre de Tolkien quand j'avais 17 ans, lecture qui avait laissé une très forte empreinte sur mon imaginaire. Ce fût une expérience extraordinaire. Et voilà que des années plus tard, on me proposait de réaliser les illustrations du Seigneur des Anneaux. Dans un 1er temps, il a fallu que je dessine quelques uns des personnages pour que Christopher Tolkien voie s'il était d'accord avec ma vision des choses. En effet les livres de Tolkien avaient été publiés sans illustration, à l'exception d'une édition qui comprenait davantage des décors que des illustrations. Il s'agissait de dessins effectués par la Reine du Danemark retouchés par un artiste anglais du nom d'Eric Fraser qui en avait fait des illustrations de type gravure sur bois en noir et blanc. Mais à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Tolkien en 1992, on songeait à des illustrations beaucoup plus somptueuses. Alors nous avons écrit à la Fondation Tolkien pour les persuader que ce projet valait la peine. Tout s'est déroulé à merveille ; ils furent très contents du résultat ; plusieurs éditions se succédèrent. Ensuite, on m'a proposé d'illustrer Bilbo le Hobbit. Depuis, j'ai travaillé sur un certain nombre de projets à partir d'œuvres écrites par Tolkien. J'ai notamment travaillé pendant 6 ans sur les adaptations cinématographiques qui ont suivi. Voilà en quelques mots l'essentiel de ce qui m'a occupé pendant les 15 dernières années sur le plan professionnel.
J'ai cependant travaillé sur d'autres ouvrages. J'ai par exemple illustré la version pour enfants de l'Iliade et de l'Odyssée [Black Ships before Troy, 1993 et The Wanderings of Odysseus, 1995, écrits par la célèbre auteur jeunesse Rosemary Sutcliff]. Et je travaille actuellement sur une autre adaptation pour enfants, celle des Métamorphoses d'Ovide.

Avez-vous eu, durant votre jeunesse, l'occasion de rencontrer J.R.R. Tolkien ?
Non, je ne l'ai jamais rencontré en personne, seulement son fils, Christopher. Tolkien est décédé en 1973, et à l'époque, je n'en étais qu'aux balbutiements de ma carrière. Je n'avais encore rien fait qui soit en rapport avec la Terre du Milieu, en dehors de lectures que j'avais beaucoup savourées.

Lors de l'adaptation filmée du Seigneur des Anneaux, dans quels domaines êtes vous intervenu dans votre collaboration avec le réalisateur Peter Jackson ?
Dans leur travail sur le scénario Peter Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens, se servirent des illustrations que j'avais réalisées pour le livre comme matériel de départ. Ils s'en aidèrent pour écrire le script. Et en regardant ces illustrations, ils se dirent que ça serait génial d'avoir avec eux quelqu'un qui fait ce genre de choses pour les aider à concevoir les décors des films. Puis ils ont sauté le pas dans leur tête et en sont arrivé à penser « pourquoi on ne demanderait pas à Alan s'il est disponible ?... » Ils ont retrouvé l'adresse de ma petite maison dans le Devon. Ils m'ont envoyé un paquet contenant deux enregistrements vidéo réalisés par Peter et une lettre dans laquelle ils expliquaient ce qu'ils comptaient en faire. Or cela tombait au bon moment dans la mesure où il m'était alors possible de quitter le pays. Alors cette idée m'enchantait réellement. Au départ, je pensais que je partais pour 6 mois en Nouvelle-Zélande pour travailler sur le projet avec John Howe, un autre illustrateur de Tolkien [et co-directeur artistique des films]. Mais au final, ça a duré 6 ans.
J'ai travaillé sur chacun des aspects de la réalisation, sur les décors conceptuels, les dessins… J'essayais de comprendre ce que le réalisateur voulait voir dans une scène donnée. Peter Jackson décrivait brièvement une scène et la façon dont il voulait qu'elle se déroule. Puis nous exposions nos idées quant à l'aspect visuel de la scène. Il s'agissait vraiment d'un dialogue entre nous. Nous lui montrions nos dessins… Tout ceci, c'était pendant la période de pré-production.
Puis nous sommes passés à la production. J'aidais à concevoir les décors et les miniatures, ainsi que beaucoup d'accessoires et objets divers. C'est pourquoi j'ai travaillé pour les 3 films en collaboration très étroite avec Grant Major, le chef décorateur. Je fus extrêmement occupé pendant cette période. D'un côté, ce fut une période de travail vraiment très intensif et fatiguant, mais de l'autre, ce fut passionnant.
Enfin, pendant la période de post-production des films, j'ai commencé à travailler sur les effets spéciaux. Du coup, j'ai eu la possibilité de continuer à émettre des idées que l'on a développées afin de concevoir les décors. J'ai pu continuer ce travail pendant toute la période d'élaboration des effets spéciaux. De toute évidence, on s'est beaucoup servi de la technique de l'écran bleu pour filmer. Mais il fallait ensuite déterminer ce qui allait remplacer le fond bleu. Donc j'ai fait des dessins pour la plupart des effets visuels de la trilogie. Pour ce faire, j'ai dû suivre une formation pour le logiciel Photoshop, ce qui signifiait qu'il fallait que j'apprenne à me servir d'un ordinateur, chose que je n'avais jamais faite. Donc tout ce projet consista pour moi en un énorme travail d'apprentissage. Ce fut à la fois très amusant, captivant et difficile. Et ça dura 6 ans...

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