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Notre chouchou s'appelle Roger Jon ELLORY !

Publié le 03/04/2012
A l'occasion de la parution du nouveau titre de R. J. Ellory, Les Anges de New-York, vos libraires du rayon polar (qui adorent cet auteur et ont tout lu de lui !) vous ont mitonné un dossier spécial coup de cœur...
Nous le suivons depuis son premier livre traduit en France Seul le silence, pour lequel nous avions eu un gros coup de cœur (que vous pouvez toujours lire sur mollat.com en cliquant ici) – c'était en 2008, déjà, hé oui… Le titre original en est A quiet belief in angels, paru en 2007 chez nos amis anglo-saxons. Foisonnant, multiple, ce polar atypique ne nous racontait pas une histoire, mais des histoires. Celle du narrateur d'abord, Joseph Vaughan, qui nous conte sa vie en un long flash back, sous forme de confession : souvenirs d'enfance dans une petite ville de Géorgie, la mort de son père annoncée par une plume tombée du ciel, les échos de la guerre en Europe – le livre commence en 1939 – qui parviennent par les ondes de la radio, les voisins, l'institutrice qui s'intéresse à lui et l'encourage à écrire… Roman d'apprentissage ensuite, émaillé de lectures – Steinbeck, Capote par exemple – des premiers écrits de Joseph jusqu'à sa réussite qui va l'emmener dans les cercles littéraires de Brooklyn, New York. Mais comme il ne faudrait pas oublier que nous sommes aussi dans un thriller, le livre est scandé par des histoires de meurtres : des fillettes assassinées, un serial killer insaisissable – meurtres qui courent sur une trentaine d'années, dont certains touchent de près Joseph, qui connaît plusieurs victimes (une des petites filles était sa voisine de classe) – à tel point que le doute s'immisce dans les esprits… Il faudra attendre les dernières pages pour que tous les morceaux du puzzle s'imbriquent, dans une impressionnante maîtrise.

Deuxième titre traduit, Vendetta (paru en 2009 en France, et datant en fait de 2005, titre original : A quiet Vendetta) nous transportait dans l'univers de la mafia à travers les confessions d'un ancien tueur à gages implacable mais terriblement attachant dans ses errements et son sens de l'honneur : cette fiction était alors le socle (et le prétexte) pour brosser le tableau des États-Unis entre les années 1950 et 2000. La magie opérait en nous rappelant ce qui nous avait déjà bouleversé à la lecture de Seul le silence dans lequel le personnage principal nous racontait sa traque inflexible d'un serial killer sur plusieurs décennies. Destins croisés de l'histoire inclue dans l'Histoire, réflexion sur les trajectoires individuelles d'un être quand se fissure son idéal, chimères et nostalgie d'une enfance qui s'éloigne et d'un passé que rien ne peut racheter et qui rattrape inexorablement, langue littéraire riche et imagée : voilà quelques uns des « ingrédients » qui avaient généré à nouveau notre enthousiasme.
Là aussi, votre libraire rédigea un coup de cœur sur mollat.com, que vous pouvez toujours lire en cliquant ici.

Si Les Anonymes (2010) – titre original : A simple act of violence (paru en 2008) - n'est pas tant remarquable sur le plan de la langue (de la traduction ?), la surprise vient d'une intrigue plus proche d'un polar pur qui consiste pour l'inspecteur Robert Miller à démasquer un psychopathe surnommé le « Tueur au ruban » par la presse puisque, quand s'ouvre le récit, sa quatrième victime exécutée selon le même mode opératoire d'étranglement vient d'être découverte. Rapidement, l'enquête oriente le flic du bourreau à ses proies qui se révèlent également insaisissables sur le plan de l'identité. Et si ces meurtres n'étaient qu'un leurre destiné à dissimuler une organisation criminelle beaucoup plus ambitieuse ? Doté d'un regard critique bien plus engagé sur les arcanes du pouvoir clandestin que ne l'était Vendetta, Les Anonymes compose un thriller de politique-fiction certes déconcertant (au regard des deux premières traductions) mais redoutable dans sa puissance narrative, l'action se révélant riche en rebondissements, indices factices, identités usurpées conduisant à une course-poursuite haletante jusqu'aux dernières pages tout en attirant le regard de l'inspecteur (et de nous, lecteurs) sur des pans méconnus de l'histoire officielle des États-Unis, à propos de cette « théorie du complot » dont se nourrit souvent la littérature policière. Très efficace puisqu'on ne lâche pas ce roman avant de connaître le fin mot de ce puzzle passionnant et complexe qui donne du fil à retordre à notre inspecteur au cœur de la tourmente, Les Anonymes doit nous faire regarder de nouveau au-delà des apparences. Il s'agit là d'une réflexion sur l'identité (d'un être, d'une nation) puisque l'existence de tous les personnages (tueur(s), victimes, policiers, juge) est à un moment remise en doute, devenant des énigmes comme autant de pions avançant masqués sur un vaste échiquier aux enjeux géopolitiques eux-mêmes invisibles.
A l'instar de Seul le silence et Vendetta, tous recèlent des zones d'ombres qui évitent le piège du manichéisme et donnent la nuance et l'émotion justes à une histoire ambiguë, sans jugement moral et qui sait aussi nous faire entendre le point de vue du « tueur » dont la réalité vient subtilement se confondre avec celle de l'enquêteur : tous deux partagent le même goût de la solitude, agissent selon leur propre conscience, n'obéissent qu'à leurs instincts en dépit de l'autorité (supériorité hiérarchique pour Miller, la Loi pour le tueur) et un secret tout aussi terrible qui les ronge les empêche de se (re)trouver puisque « les secrets les mieux gardés étaient les plus visibles » . Le talent d'Ellory nous confirme ici que l'intéresse au premier plan l'incarnation du combat entre la collectivité et l'individu, cette tension entre la morale et l'éthique dont sont animés chacun des individus qu'il crée avec la même amplitude humaine à l'image de l'ampleur du crime dont ils sont capables et du style qui nous transporte encore « comme un poème sur un champ de bataille » . Ces trois premiers titres de Ellory étant disponibles dans la collection Livre de Poche au prix moyen de 8 euros, on aurait tort de s'en priver !

Et voici qu'en ce mois de mars 2012 arrive sur nos tables la nouveauté attendue, Les Anges de New York (en anglais : Saints of New York, paru il y a deux ans) que nous guettions avec impatience, aussitôt lu, savouré, dévoré, et… apprécié ! Sur une trame classique, Ellory y déploie à la perfection sa marque de fabrique, à savoir le déroulement de plusieurs histoires et époques en parallèle. L'intrigue principale s'ouvre sur le meurtre d'une adolescente. L'affaire est confiée à l'inspecteur Frank Parrish, lequel est mal en point, et pour cause : il ne se remet pas de la mort de son partenaire (laquelle ne sera racontée qu'à la toute fin du livre), a du mal à gérer son divorce, sa relation avec son ex-femme, ses enfants et trouve refuge auprès d'une prostituée avec laquelle il entretient des relations privilégiées. Naviguant entre déprime et alcool (on lui a retiré son permis de conduire), il se rend contraint et forcé à des rendez-vous avec une psychothérapeute, car il est régulièrement en conflit avec sa hiérarchie qui le rappelle à l'ordre... Ellory réussit le tour de force d'échapper aux clichés, car son flic fatigué est avant tout attachant, avec ses failles, ses coups de gueule, et surtout son acharnement à résoudre l'enquête, laquelle va l'emmener sur les traces inattendues d'un serial-killer d'adolescentes orphelines… Comme à son habitude, l'auteur dresse un portrait fouillé et complexe de ses personnages entre ombre et lumière car derrière Parrish se cache le modèle de son père - ancien flic légendaire mais ripou, mort assassiné - prétexte à dépeindre en toile de fond la corruption de la police de New York. Du grand art !

PS : Sept autres titres de Ellory sont disponibles en anglais, espérons que les éditions Sonatine nous les donneront vite à lire en version française !

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