Un coup de coeur de Mollat
En Espagne, les années 2000 sont marquées par l'émergence de nombreuses villes nouvelles, on construit à tout va, on fait miroiter à tous l'accès à la propriété immobilière au moyen de prêts bancaires ouverts à tous. Des projets de construction complètement démesurés voient alors le jour. La crise survient, les banques et les acquéreurs font alors preuve de plus de prudence et de nombreux chantiers sont stoppés, laissant des villes à moitié terminées à l'abandon.
L'auteur se rend dans l'une de ces villes : El Quiñon, à 35km au sud de Madrid. Ce projet de construction est à l'initiative de Francisco Hernando et révèle une ambition complètement mégalomane. Érigée à son image, El Quiñon prévoyait d'accueillir plusieurs milliers d'habitants. Aujourd'hui, ils ne sont que quelques dizaines à avoir acheté et à se retrouver coincés là-bas. On se retrouve ainsi à flâner dans les rues désertes, une errance qui relève quasiment du rêve. L'étrangeté des bâtiments immenses aux appartements luxueux et inhabités nous est décrite, de même que le choc de voir l'avenue principale s'arrêter brutalement faisant place aux champs à perte de vue.
Dans une seconde partie, Anthony Poiraudeau se penche sur le parcours atypique du fameux constructeur. Francisco Hernando est surnommé El Pocero, ce qui signifie « l'égoutier », en lien avec son premier travail. Parti de rien, il forge sa fortune au moyen de petits boulots et investissements. Au fur et à mesure qu'il s'enrichit, son ambition et sa folie des grandeurs s'amplifient jusqu'à donner lieu à des projets absolument démesurés tels que celui d'El Quiñon
L'auteur transporte le lecteur comme dans un songe grâce à sa belle écriture. Un essai qui donne parfois l'impression d'être à la limite du roman de science-fiction tant la visite de cette ville paraît surréaliste. De plus, à travers cet exemple qui est loin d'être un cas isolé, Anthony Poiraudeau illustre très bien la situation actuelle en Espagne et les problématiques qu'entraînent ces nombreux logements et villes abandonnés dans lesquels des gens ont pourtant investi et qui se trouvent désormais piégés.