Un coup de coeur de Mollat
Première traduction de José Antonio Labordeta, un écrivain et homme politique aragonais décédé l'année dernière, Dans le tourbillon met en scène une poignée de villageois assoiffés de pouvoir tandis que les rumeurs de la Guerre civile servent de révélateur pour des tensions déjà bien palpables. C'est-à-dire que cet univers essentiellement masculin repose sur un équilibre des plus précaires. Si chacun joue un rôle clairement défini dans ce microcosme, combien de temps les villageois supporteront-ils encore que l'usurier – un Juif, qui plus est – s'enrichisse à leurs dépens ? Combien de temps faudra-t-il avant que ça ne dégénère en chasse à l'homme ?…
Force nous est de reconnaître que la puissance d'évocation de la scène inaugurale est à l'image de l'ensemble de ce roman polyphonique, envoûtant et mystérieux, dont l'époustouflante construction narrative épouse à merveille la métaphore du tourbillon. Ce mouvement circulaire dont l'amplitude et la magnitude augmentent de concert jusqu'à essoufflement, c'est d'abord celui qu'effectue le récit : la narration tourne autour de cette scène effroyable en brassant toujours plus d'informations à chaque voyage jusqu'à ce que la lumière soit faite sur ce qui s'est passé. Mais c'est aussi et surtout celui de cette communauté d'hommes, pris dans un engrenage de turbulence et de violence qui finit immanquablement par les dépasser. Choisi à la perfection, ce titre est enfin celui d'un véritable chef-d'œuvre digne des plus grands écrivains espagnols (on pense immanquablement à Julio Llamazares et Ramon Sender), porté en français par la traduction exemplaire de Jean-Jacques et Marie-Neige Fleury.