Un coup de coeur de Mollat
A mi-chemin de la littérature et de la philosophie, Michael Edwards
invite la poésie, la peinture, la musique ou la réalité d'un paysage
familier afin de partager son émerveillement devant l'inépuisable beauté
du monde.
Ce professeur au prestigieux Collège de France (chaire de « création littéraire ») dont l'essentiel du présent ouvrage tire sa source (ces cours ont été donnés en 2007 et 2008) et éminent spécialiste de littérature anglaise reconnaît le peu d'audience suscité par cette notion de « bonheur » dans les arts. Parce que les œuvres classiques se nourrissent plus volontiers de drames, et que leurs personnages recherchent souvent une échappatoire vers un ailleurs autrement prometteur, Michael Edwards préfère l'optimisme de Paul Claudel qu'il libère néanmoins de toute religiosité (« le bonheur d'être ici » est en effet une formule du poète en 1939) à la fameuse conclusion des Fleurs du mal exhortant à « plonger au fond du gouffre (…)/ Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ! ». Sans pour autant renier l'héritage de ce dernier, enjoliver la catastrophe, ou céder à la naïveté, c'est pleinement conscient des misères humaines qu'une « grâce familière du réel » est possible, et nous laisse entrevoir la « présence illimitée de ce qui est », ici et maintenant. Même l'Enfer décrit par Dante dans son illustre poème peut faire apparaître notre séjour terrestre, cette « fournaise ardente », comme un Paradis désirable ; même les affres du narrateur proustien dans La Recherche nous guide vers une joie supérieure promise par la révélation finale ! Comme l'enfant ou le philosophe, il faut apprendre à écouter le réel, à demeurer disponible et ouvert face à ses promesses tels que les transmettent les textes de l'Ancien Testament, Walt Whitman, Wordsworth, Paul Valéry, Rousseau, Dante, Milton, la peinture figurative de Manet, ou encore les symphonies de Beethoven, Purcell, Haendel. L'art nous permet alors de recréer le monde en retrouvant par exemple la simplicité et l'allégresse du chant du rossignol célébré de tous temps par les poètes et les musiciens.
Fidèle à l'« émerveillement » dont il s'était inspiré pour un précédent essai (paru chez Fayard en 2008) et dont celui-ci en est le prolongement naturel, Michael Edwards nous convie de « bonne heure » et à travers des lectures inédites d'horizons divers, à adopter un « bon regard » puisé dans les richesses des œuvres et du visible.