Un coup de coeur de Mollat
A la librairie c'est l'unanimité, ce qui pourrait passer pour suspect si les personnalités des uns et des autres n'étaient si différentes. Mais on est certain avec lui que l'on va passer un moment unique en compagnie de ses personnages racontés sur un ton faussement candide et qui n'est qu'à lui. La fille de mon meilleur ami continue dans sa veine criminelle avec le monologue d'un looser embrouilleur aux abois et à l'affût d'un bon coup qui lui permettra d'échapper aux conséquences de ses derniers errements. Nous n'irons surtout pas raconter dans le détail cette histoire qui n'est pas celle de la fameuse fille en question, ce serait trop simple, elle dont nous découvrons la vie pleine de vicissitudes entre hôpital psychiatrique et boîtes de nuit, obsédée par l'idée de voir son fils dont on l'a privé très tôt pour le confier à un père et une marâtre, et qui suit confiante, William Bonnet, le meilleur ami de feu son père (quels sont leurs rapports exacts ?) chargé par le mourant de veiller sur sa malheureuse enfant, un homme qui ignore absolument le sens du mot scrupule et exploite à bon compte les errements de la demoiselle incontrôlable sans maîtriser ses tocades. Nous n'irons pas non plus en dire trop sur cet individu louche que le moindre gendarme remarque et suspecte d'instinct, qui flaire les bonnes affaires et agit vite dès qu'il sent qu'il y a quelque chose à en retirer, qui parle beaucoup et noie sous ses arguties ses interlocuteurs après avoir extirpé de sa collection la carte de visite qui fera mouche mais qui, malgré tout, a vraiment la poisse. Nous tairons donc l'intrigue qui louvoie dans un décor provincial glauque : parking, zone commerciale, gendarmerie, motel, usine, n'écoutant que la voix de l'escroc à la petite semaine qui nous dit tout ou presque (et dans ce presque, il y a tout l'art de Ravey) de ces plans tordus avec en tête son principe unique : la fin justifie les moyens.
L'auteur d'Enlèvement avec rançon n'a pas son pareil pour parler de cette vérité qui échappe et qui est au coeur même de toute entreprise romanesque : le faux semblant est son univers, il y est passé maître, ajoutant à son édifice romanesque, chaque fois, une pierre lisse, parfaitement taillée qu'on découvre avec un plaisir malsain, c'est dire l'intensité du nôtre. Pris au piège, embobinés, nous sommes ravis. Merci Ravey !