Un coup de coeur de Mollat
Depuis début septembre, de nombreux auteurs abordent différement cette question. Olivier ROY, spécialiste de l'Asie Centrale et de l'Islam politique avance l'idée que l'événement n'a pas vraiment été un acte fondateur en terme de géostratégie.
Il reprend d'abord les faits de manière généalogique pour nous rappeler, qu'avant la date fatidique, les acteurs se situaient déjà en coulisse. Ils se sont révélés aussitôt la destruction des tours.
Sans cette date, les américains ne seraient pas intervenus en Asie malgré l'escalade pakistanaise au Cachemire. Ils ne s'étaient d'ailleurs pas plus engagés dans le conflit israélo-palestinien ni vraiment investis dans les échanges commerciaux avec des enjeux énergétiques.
La riposte devenue alors obligatoire, la guerre contre "l'axe du mal" a été lancée. Olivier Roy s'oppose à la thèse de Washington décrivant Al-Qaida comme une pieuvre internationale. Il l'analyse comme une mouvance inorganisée et sans objectif stratégique, déconnectée des réseaux des grands mouvements islamistes contemporains en Palestine ou en Algérie.
Reste donc une inquiétude : avec Al-Qaida peut-il y avoir négociation si ce terrorisme s'inscrit dans un espace politique qui ne le permet pas (au contraire de l'IRA en Irlande, des Tigres Tamouls en Inde ou de l'OLP en Palestine) ?
A qui profite alors, un an après, la réussite de la campagne d'Afghanistan ?
Les acteurs locaux jouent isolément leurs rôles. Plus de Talibans mais l'unité afghane est un puzzle et le condominium russo-américain laisse les mains libres aux russes en Tchétchénie.
Il y a bien sûr des perdants : le Pakistan, la Palestine et bientôt l'Irak. Ce dernier a fourni un argument aux Etats-Unis pour faire accepter à l'opinion publique américaine la possibilité de pertes militaires lors d'une attaque sur Bagdad. Et là, ce n'est plus une illusion (texte écrit en juin 2002), à moins de la mort soudaine de Saddam Hussein, "il faudra bien attaquer" sans se soucier de l'après-frappe.
L'exemple confirme pleinement le texte de Roy, résumant admirablement que l'après 11 septembre continue la politique extérieure américaine avec l'Islam et l'Europe de l'avant 11 septembre, reformulée dans un langage inédit, celui de la guerre contre le terrorisme.