Un coup de coeur de Mollat
Surtout, surtout, surtout ne lisez pas la quatrième de couverture de cet excellent livre : c'est un crime éditorial qui vous raconte (et assez mal) toute l'intrigue sans vous dire ce qui fait le sel de cet Athlète norvégien. Permettez-nous de réclamer votre confiance pour vous donner envie de plonger dans les perfidies concoctées par Knut Faldbakken, grand auteur norvégien très remarqué il y a quelques années pour son roman La séduction (qui reparaîtra d'ailleurs chez Cambourakis) et converti sur le tard au roman policier auquel il insuffle toute son expérience littéraire.
Le grand charme de ce roman est d'abord son décor, le quartier vieillissant d'une petite ville norvégienne, peuplé d'anciens qui perdent un peu les pédales sans qu'il nous soit donné réellement de savoir si c'est la folie du grand âge ou quelque égarement qui fait divaguer ces messieurs dames. Ce pays si lisse qui refuse l'Europe de peur de s'y dissoudre trimballe quelques casseroles inavouables dont le bruit métallique résonne dans la tête des vieux que le progrès ne grise plus. Et quand on retrouve au matin d'une soirée bien arrosée de l'amicale des retraités le corps sans vie d'un beau vieillard, on doute qu'il puisse s'agir d'un meurtre malgré les traces étranges qui souillent son corps : aurait-on néanmoins abusé d'un mort ? L'Inspecteur principal Valmann (et non commissaire comme le dit la 4°, on insiste mais bon, il faut bien se rendre à l'évidence…) qui traîne derrière lui un sillage de tristesse depuis la mort de sa femme, jette sur les êtres et les choses un regard qui lui permet d'aller au-delà des apparences et cette mort sans importance ne lui inspire rien de bon, d'autant qu'il découvre assez vite que Lind, le trépassé avait deux fiancées, soupçonnables de nymphomanie, et une béance dans le C.V. : personne ne sait d'où il vient, ce qu'il trafiquait dans les parages et pourquoi son appartement sans grâce possède de superbes toiles de maîtres. L'affaire se corse assez vite quand c'est une des fiancées que l'on découvre éventrée par un pieu dans un jardin, peu discrète manière de passer l'arme à gauche. On en restera là pour ne pas trop dévoiler de l'intrigue très habile de ce roman noir bourré d'ironie où le fiel se répand avec lenteur, où le passé se dévoile avec rudesse, où l'idée qu'il n'y a rien de plus violent qu'un vieillard en colère s'impose avec une terrible acuité. Et puis la personnalité de cet inspecteur, que nous retrouverons sans aucun doute prochainement, a de quoi séduire les plus acharnés défenseurs du commissaire Wallander. Quant à cet « athlète » qui fait le titre, me direz-vous ? Eh bien pour l'heure, il est toujours suspendu au-dessus du lit de l'une des protagonistes, christ luisant qui excite chez elle une intrigante sensualité…
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