Un coup de coeur de Mollat
En 1998, Hubert Prolongeau nous présentait Emile Shoufani, cet atypique "curé de Nazareth", une force de la nature pétrie d'humanité, au sourire confiant et généreux ; et il en faut de la générosité pour entretenir encore et toujours le dialogue dans une Galilée peuplée en grande partie d'arabes israéliens-difficile compromis. Quatre ans auparavant l'espoir prenait vie à chacun de ses pas, sur les traces de son passé cosmopolite,puis au travers de son école (parmi les quatre meilleures d'Israël) et les rencontres organisées entre juifs et arabes, enfin dans l'avenir de ses jeunes étudiants arabes acceptés dans les universités juives.
Mais voilà, quatre ans ont passé, Israël et Palestine se sont une nouvelle fois embrasés et la paix n'a guère plus que le goût amer de la désillusion. Hubert Prolongeau s'est rendu à nouveau à Nazareth mais là point de récit idyllique; la discussion est rude, Shoufani s'exprime, la colère parfois même à fleur de "mots" devant les ruines d'un échafaudage si patiemment et précautionneusement construit. Mais Émile Shoufani ne baisse pas les bras, il dialogue : il dialogue avec ses élèves aux prises avec la révolte, avec les juifs aux prises avec leur crainte, avec les siens israéliens, palestiniens, épuisés de tant de haine mais convaincus de leur droit à la vengeance. Cet entretien entre les deux hommes paru dernièrement chez Albin Michel, tente de comprendre la dégradation des rapports entre Israël et Palestine et de faire prendre conscience des conséquences; Prolongeau ne ménage guère Shoufani, pointe du doigt une contradiction, un parti pris…Mais qui oserait le soupçonner d'antisémitisme, le dénoncer comme pro-palestinien. Effectivement Shoufani aime son peuple palestinien, il le défend souvent, critique âprement Sharon et certaines attitudes israéliennes mais cela avec l'assurance que lui procure son amour pour Israël.
*Hubert PROLONGEAU, Le curé de Nazareth, Albin Michel, Espaces libres.