Un coup de coeur de Mollat
Stephen Baxter est un grand déçu de l'évolution de la conquête spatiale depuis la fin du programme Apollo. Qu'on lise Voyage, Titan ou encore les titres co-écrits avec Arthur C. Clarke, on sent qu'il ne se ferait pas prier pour prendre en main la NASA (dont il connaît parfaitement les rouages) et l'associer à d'autres agences spatiales pour coloniser notre satellite.
C'est le plaidoyer de Poussière de lune : on peut renvoyer des êtres humains sur la lune pour deux milliards de dollars. C'est une question de coopération internationale, d'audace et d'imagination techniques et surtout, de volonté politique.
Puisque celle-ci fait cruellement défaut, Baxter renoue avec le "très britannique courant cataclysmique de la SF" afin que la nécessité absolue d'une fin du monde donne l'impulsion que la volonté politique a renoncé à fournir.
Car en excellent vulgarisateur scientifique, Stephen Baxter donne comme écrin à sa science (ici, géologie, vulcanologie, astronautique, sélénologie) et à son credo politique une histoire formidable.
Ce qui frappe à la lecture de Poussière de lune, c'est sa parenté avec les blockbusters américains : de l'action ! de l'émotion ! du suspense ! pour caricaturer les bandes-annonces des produits hollywoodiens. Mais des films catastrophes, S. Baxter n'a pris que le meilleur. Ainsi, comme dans Armageddon, c'est la survie de l'humanité qui est en jeu dans Poussière de lune, piègée sur une Terre que Baxter mène à la destruction dans un récit grandiose et haletant où les dérèglements cosmiques répondent aux dérèglements humains.
Grâce à l'ampleur de la vision de l'auteur et à son socle scientifique, on reste bien au-dessus des péripéties formatées et simplistes de Bruce Willis. De même, si les héros de Baxter sont américains, ils ne partagent avec leurs homologues de pellicule que leur nationalité. Ils sont entre autres maladroits, ils doutent, savent que le monde ne s'arrête pas aux frontières des USA, connaissent des échecs.
Poussière de lune révèle un Stephen Baxter au sommet de son art, récréant littérairement avec maestria une forme cinématographique populaire en l'enrichissant de son savoir, d'émerveillement et d'espoir.