Un coup de coeur de Mollat
Contrairement à ce que pensait Bergson, la fable, pour le philosophe, est « une façon de reconstruire le réel par une représentation dont la fonction est d'incorporer l'imaginaire dans sa réalité ».
Or les juristes sont tout aussi fabulateurs : tous deux inventent, créent, rêvent des systèmes de pensée et d'organisation idéale. Et c'est ainsi qu'au cours des siècles est né « l'Homojuridicus »…Froid, calculateur, dépourvu d'affect, c'est-à-dire l'être social dont rêve une société bien organisée. Puis après avoir décomposé la réalité en choses et en personnes, le droit a inventé la personnalité, les droits de l'homme…
Oui mais voilà que nos sociétés sont entrées dans l'ère de tous les possibles; face au clonage, à l'abolition des sexes, à la dématérialisation…que fera le droit ?
A travers l'histoire des fables, celles de Platon, de Bossuet, de La Fontaine (entre autres), apparaît l'histoire d'un droit ontologiquement pur préexistant et dont la seule ambition est d'assurer l'ordre.
Les démonstrations se suivent et s'imbriquent parfaitement. Prenons la fable du loup et de l'agneau : le loup a raison de manger l'agneau au nom du droit du plus fort, mais l'agneau fera triompher le droit de la haine. Ainsi se démontre la réversibilité du droit qui sera reprise par Nietzsche et Marx, encore que dans ce dernier cas le rapport de force est définitivement changé…
De même quelques exemples très croustillants pour expliquer la naissance du contrat de mariage ou du droit de grève où l'on retrouve encore l'origine fabulatrice.
Bernard Edelman est un philosophe, un juriste spécialiste du droit intellectuel mais avant tout un écrivain : son livre est un régal.