Un coup de coeur de Mollat
Trois années de création intense pourtant lui permirent de divulguer son insolent talent dans des nouvelles, des romans ou des récits de voyage.
Paru en 1919, Le Maître du Navire, que réédite de belle façon l'excellente enseigne Farrago, a des allures de roman d'aventures exotiques et maritimes, mais la richesse de sa prose qui frôle la poésie, la singularité de son ton où l'ironie le dispute au libertin, ses aspects tragiques, sa vision politique parcourue d'utopie, sa dimension philosophique dans le registre du conte, ses références à la fable, ses réflexions religieuses et métaphysiques en font une oeuvre inclassable, à la fois divertissement et méditation. Proche d'un Jules Verne qu'elle parodie, l'histoire nous transporte au coeur d'un océan que parcourent sur un yacht luxueux les invités imprévus d'un milliardaire excentrique. D'abord accueillant, l'armateur dévoile sa folie dans des récits où perce peu à peu son ambition de démiurge contrarié. Prisonniers de la mer puis de son île inconnue, ses victimes fascinées découvrent l'étendue de son utopie. On ne saura jamais à quelle opinion se range l'auteur qui dissimule ses pensées derrière ses personnages, on saura juste profiter de ses fulgurances poétiques, de ses soliloques brillants et charmeurs, de la beauté de sa langue qui justifie l'admiration que lui vouait Valéry Larbaud.