Un coup de coeur de Mollat
Un pas, puis un autre. Un songe et le suivant. Contempler jusqu'à plus soif les paysages terrestres, et comme un écho intérieur, laisser leur beauté se répandre dans votre être.
Sylvain Tesson aurait pu ne pas rédiger ce livre, et nous dire simplement que marcher et voir suffisent à faire un homme libre... donc un homme heureux. Mais il lui fallut néanmois l'écrire, tant la compréhension des choses élémentaires apparaît hermétique à nos sociétés contemporaines. Comment envisager de parler de l'être à la civilisation de l'avoir ? Il s'agit de prendre son temps : Sylvain Tesson évoque ses périples non pas en décrivant les paysages traversés (il sait pertinemment que la beauté de ce monde ne peut qu'être saisie de vivo, les mots tout au plus en dressent une esquisse. Le lecteur en quête d'image pourra contempler à loisir les magnifiques photographies illustrant un autre de ses ouvrage publié récemment : Sous l'étoile de la liberté ; il s'attarde plutôt sur son for intérieur, sur les émotions associées aux ravissements de ses pérégrinations. Partage est ici le maître-mot.
Derrière chaque anecdote se cache une leçon de vie, et l'on perçoit qu'il espère en secret voir un jour le lecteur marcher sur ses pas. Un pas, puis d'autres pas... Mais Sylvain Tesson écrit aussi pour lui. C'est un besoin, c'est curratif. Le "petit traité" devient alors un manifeste louant à la fois un mode de vie singulier et pronant un nouveau rapport au monde.
Tout cela fait de ce livre un ouvrage étrangement dangereux: pour peu qu'on le lise adossé à un arbre en un lieu loin de la rumeur des hommes, il vous prend l'envie de vous lever et de suivre le premier chemin venu, puis arrivé au bout de celui-ci, d'en prendre un autre et encore un autre... afin de chercher cet émerveillement qui perce entre les lignes de Sylvain Tesson.