Les habitués de notre rayon auront peut-être en mémoire ce roman qui ne quitte plus nos tables depuis de très longues années et que nous conseillons bien volontiers à ceux qui apprécient les auteurs d'un temps passé, négligés par la gloire malgré d'indéniables qualités : La Taupe, édité par Gallimard, fait partie de ces livres marquants dont notre région s'honore, il est de la plume de Pierre Luccin et...ce n'est pas de lui dont je vais vous faire l'éloge.

Pierre Luccin (1909-2001) qui vécut et mourut au bord de la Garonne, fut un auteur météorite des années 40 puisqu'il  publia en une poignée d'années quelques titres avant de s'éloigner de la littérature pour devenir vigneron et négociant, renoncement douloureux imagine-t-on pour quelqu'un qui avait parcouru les mers sur des paquebots et avait connu d'autres naufrages (celui du "Georges Philippar" où périt Albert Londres). Il fallait l'opiniâtreté d'un éditeur amateur de cette poussière qui dissimule des trésors pour oser une réédition de l'un de ses récits.

La confession impossible parut initialement en 1946 chez Delmas, quand Gallimard avait éloigné cet auteur frappé d'indignité nationale pour ses contributions dans la presse abhorrée de l'occupation. Ecrit à la fin de la guerre, il porte à vif la trace du désenchantement douloureux que subit alors son auteur placé par les bien-pensants sur la liste noire : son héros, Pierre Ménestrel, est à la fois un coupable (il a tué sa maîtresse) et un héros (dans la Résistance il s'est fait un nom, sur les mers il est la terreur des sous-marins allemands). Il assume, ou tente d'assumer car la douleur d'avoir étranglé celle qui l'aimait le taraude, cette ambiguïté terrible en tentant de s'expliquer, de comprendre par quels mécanismes il a pu devenir ce salaud qui a envoyé à la mort le mari de celle qu'il convoitait et ce risque-tout, honni d'un équipage qui se sait condamné par la folie de son capitaine suicidaire. Roman sur l'amour de la mer devenu un enfer, sur la passion vécue comme une aliénation, sur la lâcheté et la bravoure qui sont comme les deux faces d'une même pièce, La confession impossible  contient tous les remords, toutes les tentations d'un écrivain et tous les talents d'un homme qui en une langue sèche et mordante fait le deuil de tous ses rêves. Il permettra peut-être enfin de faire sortir de son purgatoire cet écrivain passé au vin comme on quitte une ivresse pour une autre.