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L'état de la politique de l'eau dans les pays émergents

Publié le 16/03/2007
On nous parle réchauffement climatique, développement durable et économies d'énergie... en France, le risque de ne plus avoir suffisamment d'eau dans un futur proche est une réalité ; pour certains pays il est déjà presque trop tard...

Une offre limitée par rapport à une demande croissante

Alors que moins de dix pays se partagent 60% des ressources naturelles en eau du monde, on se retrouve face à une pénurie au Proche et Moyen-Orient, en Afrique et en Chine. Actuellement, vingt-six pays regroupant 232 millions d'habitants peuvent être considérés comme des pays à ressource en eau rare.
Cependant, il n'y a pas que des disparités naturelles : les besoins en eau de chaque pays varient selon plusieurs facteurs : la situation climatique (imposant ou non l'irrigation), la taille et le taux de croissance démographique et bien-sûr le degré de développement socio-économique.
Concernant, la croissance démographique, il a été démontré que dans l'absolu, un taux de croissance supérieur à 1,5 peut être catastrophique pour des pays émergents car il les confronte à l'impossibilité de fournir leurs habitants en quantité suffisante d'eau. En ce qui concerne la croissance économique, sa corrélation avec le manque d'eau est évidente : un pays émergent développe agriculture, industrie et urbanisation provoquant par là-même une hausse de sa consommation d'eau. A travers le monde, on estime que les surfaces irriguées ont quintuplé durant le XX° siècle et n'ont de cesse d'augmenter en Afrique et au Proche-Orient. Or, moins un pays est développé, plus il consomme d'eau : les pays émergents utilisent environ deux fois plus d'eau par hectare que les pays industrialisés alors que la production agricole est trois fois moins élevée. Ce gaspillage a deux causes : d'une part, l'inefficacité des équipements et d'autre part, l'emploi abusif des fertilisants qui détériore la qualité de l'eau.
La pénurie pour certains pays ne relève plus de la simple mise en garde, elle est devenue bien réelle. Selon la Banque Mondiale, elle a trois raisons :
- la fragmentation de la gestion de l'eau en une multiplicité d'entités publiques et privées
- le fait de ne pas donner une réelle valeur marchande à l'eau ce qui incite à la surconsommation
- l'absence d'une gestion globale établissant un lien entre qualité de l'eau, santé, environnement et développement économique.

Une pénurie menant à des hydroconflits

La croissance démographique et l'urbanisation massive génèrent des besoins en eau considérables. Or, l'existence de bassins fluviaux à cheval sur plusieurs pays provoque des hydroconflits notamment en Afrique, Proche et Moyen-Orient et dans certains pays d'Asie comme le Pakistan, l'Inde et la Chine. L'eau a toujours joué un rôle majeur sur le plan militaire et désormais, la multiplicité des usages qui en est faite (navigation, pêche, hydro-électricité, irrigation) déclenche autant de conflits potentiels entre Etats. Plus de 300 traités internationaux ont été conclus mais le plus souvent en des termes flous. Désormais, de nombreux pays mettent en place des politiques très agressives pour s'accaparer l'eau encore disponible afin de constituer des réserves. Quand on sait que seule une trentaine d'Etats seront auto-suffisants en eau d'ici à 2050, on se rend compte que la situation peut être explosive. Les Nations Unies ont recensé 300 zones potentielles de conflits autour de fleuves transfrontaliers ou de nappes phréatiques communes.
Pour éviter que ces conflits ne dégénèrent, il est donc urgent de mettre en place un dispositif international de la répartition. Les Nations Unies considèrent comme prioritaire l'instauration "d'un partenariat mondial de l'eau". Pour ne pas que la demande excède l'offre, plusieurs mesures sont envisagées :
- la rénovation des techniques d'irrigation (actuellement 60% de l'eau est perdue par fuite ou évaporation)
- le traitement de la pollution
- une éducation systématique et réelle aux économies pour les populations.
Enfin, il est de plus en plus sérieusement envisagé d'introduire sur le marché un prix mondial de l'eau qui la reconnaîtrait comme une matière stratégique rare, au même titre que le pétrole.

L'eau et le droit international humanitaire

Parallèlement à cette dernière phrase, il est important de rappeler que l'eau, selon la Banque Mondiale et les Nations Unies est un besoin humain et non un droit humain. La différence est fondamentale car on peut facilement satisfaire un besoin surtout si on a de l'argent mais en aucun cas vendre un droit humain. Depuis le second forum mondial de l'eau à La Haye en 2000, l'eau est définie comme une marchandise. On imagine donc toutes les difficultés que cela représente pour les pays pauvres.
On l'a vu, la croissance des hydroconflits tend à priver certains pays d'un approvisionnement en eau. D'une manière générale, les installations hydrauliques sont de plus en plus des enjeux tactiques ou stratégiques et la société internationale a énormément de difficultés à mettre en œuvre de réelles règles censées interdire l'utilisation de l'eau comme arme de destruction.
Actuellement, ce sont surtout les ONG qui mettent en place des programmes d'action visant à restaurer l'approvisionnement en eau potable des populations. Ce fut par exemple le cas en Irak après la Guerre du Golfe avec un programme en quatre points :
- produire de l'eau purifiée et la distribuer aux hôpitaux et aux collectivités
- produire de l'eau purifiée et la distribuer aux populations par camions citernes
- protéger les sources
- fournir les produits chimiques de désinfection.
On retrouve de telles actions dans tous les pays touchés par des conflits. Plus généralement, il faut absolument que la communauté internationale puisse intervenir afin de limiter les dégâts sur l'eau produits par des conflits armés.

Ces quelques lignes montrent la situation délicate dans laquelle se trouve le monde par rapport à l'eau. Néanmoins, il apparaît clairement que ce sont les pays les moins industrialisés qui sont le plus en danger de pénurie. Malgré les grandes avancées ces dernières années, le droit international a du mal à avoir une vue d'ensemble sur les multiples usages et contraintes qui s'exercent sur l'eau.
Il est donc plus qu'urgent de mettre en place une hydropolitique internationale qui apaiserait les tensions entre les pays. Aujourd'hui, plusieurs choses sont à envisager :
- la notion de taxation à l'échelle du bassin ou de la région hydrographique
- le paiement de l'eau à un prix équitable
- la mise en place d'organismes de gestion financièrement autonomes
- la participation des usagers
- une plus grande implication du secteur privé.
Une répartition plus équitable de l'eau imposée par la société internationale est aujourd'hui la seule solution pour maintenir la sécurité mondiale.

Ce dossier a été réalisé en partenariat avec Eau les coeurs [Voir].