La curiosité en matière de philosophie, pour qui n'a encore jamais osé s'y plonger, est souvent réfrénée par la quantité d'ouvrages aux titres plus obscurs les uns que les autres, et par la diversité des questions abordées. Car c'est bien là le problème de la philosophie : elle se mêle de tout. Pourtant, au-delà de cet apparent chaos un souci demeure ; celui de répondre à la question : qu'est-ce que l'homme ? Mais ce problème se décline en autant de questions qu'il y a de dimensions dans la vie humaine : la morale, de la politique, la métaphysique, la science…
En 25 siècles de philosophie, certains penseurs ont donné un tournant décisif à ces diverses problématiques, les faisant parfois radicalement évoluer. Pour qui veut « entrer en philosophie » voici donc quelques suggestions de lectures.
Platon – Phédon, Le Banquet,
Phèdre
Reprenant la méthode dialectique de son
maître Socrate, dont il fait l'interlocuteur privilégié de ses dialogues, Platon
délivre dans ces trois textes les principaux aspects de sa pensée métaphysique.
À travers la question de l'immortalité de l'âme, de l'amour… la théorie des
Idées se dessine. Le corps est un tombeau pour l'âme et la recherche de la
philosophie consiste bien à s'en détacher pour atteindre le monde des idées,
seul lieu de réalité.
Aristote – L'Ethique à
Nicomaque
Si chaque chose dans l'univers possède une
nature à accomplir, en quoi consiste celle de l'homme ? Pour Aristote, la fin
ultime de chaque individu est d'être vertueux ; c'est là la condition sine qua
non du bonheur. Mais reste à savoir en quoi consiste la vertu …
Machiavel – Le
Prince
Œuvre essentielle de philosophie politique écrite
en 1532, le Prince vient mettre un terme à une tradition : l'art de gouverner ne
vise pas à reproduire un ordre idéal conforme à des valeurs absolues. La
politique est avant tout conflit, guerre. Dès lors, la vertu du Prince se mesure
à son efficacité et non à sa moralité. Le Prince est en cela un texte qui n'a
cessé de scandaliser ou tout au moins de déranger. Machiavel dévoile-t-il aux
peuples le secret de leurs oppresseurs ?
Descartes – Discours de la
méthode
Texte fondateur de la philosophie moderne, ce
discours cherche à donner aux sciences un fondement nouveau, calqué sur le
modèle mathématique. C'est par le doute méthodique que Descartes parvient à
définir la vraie méthode. La première certitude ainsi obtenue sera d'ordre
métaphysique et tient dans la célèbre formule « Je pense donc je suis » point de
départ d'un nouvel édifice du savoir.
Rousseau – Du contrat
social
Condamné lors de sa parution puis invoqué à la
Révolution, ce texte s'applique à repenser les fondements de la société pour que
liberté et égalité se répondent. Loin de prôner un retour à l'état de nature,
Rousseau envisage seulement une origine de l'état social susceptible de
conserver les qualités de l'état naturel de l'homme. C'est ainsi qu'émerge dès
1762 le principe de la souveraineté du peuple qui marque un tournant décisif
pour la pensée politique moderne.
Hobbes –
Léviathan
« L'homme est un loup pour l'homme », rien
de plus qu'un animal conduit par les instincts les plus farouches et rien moins
qu'un animal politique, contrairement à ce que beaucoup d'écrivains pensent.
Selon Hobbes, l'unique intérêt de la société est d'ordre pragmatique : seul le
souci de conservation est en jeu. Partant de là et influencé par un contexte
politique chaotique, sa théorie prône le pouvoir absolu fondé par un pacte
social, association pour le moins originale.
Hume – Dialogues sur la religion
naturelle
Trois personnages s'opposent sur la question
de l'accès à la connaissance de Dieu. Contre Déméa, le mystique, qui prêche pour
la révélation, Cléanthe avance la thèse classique de la religion naturelle :
l'ordre qui règne dans la nature permet de déduire rationnellement l'existence
de Dieu. Mais le dernier mot revient à Hume qui, sous les traits d'un Philon
sceptique, ruine l'espoir de donner un fondement philosophique rationnel aux
croyances religieuses.
Kant – Critique de la raison
pure
« Que puis-savoir ? » telle est la question à
laquelle Kant tente de répondre dans ce texte tout aussi fondamental qu'ardu. La
nature de la connaissance et le domaine de la vérité font l'objet d'une
investigation dont la visée est d'asseoir le statut scientifique de la
Métaphysique. Or, au terme de cette réflexion, est-il encore possible de
prétendre à des certitudes sur des concepts aussi intangibles que Dieu,
l'Âme…
Hegel – La Phénoménologie de
l'esprit
Chef d'œuvre d'une pensée systématique
accomplie, la Phénoménologie analyse le processus d'accès à la connaissance
philosophique. Partant de la perception, Hegel montre comment le sujet cherchant
la certitude dans un objet extérieur la trouve finalement, au terme d'un
processus dialectique, en lui-même c'est-à-dire dans l'Esprit. Esprit qui se
dévoile grâce à la religion.
Nietzsche –
Œuvres
Ce volume regroupe 9 textes du père du
nihilisme. Nietzsche s'adonne à la critique des valeurs morales, désignant leur
origine dans une baisse de vitalité ; il ouvre la voie à une nouvelle
«
métaphysique » qui met au premier plan les instincts fondamentaux. La
transmutation des valeurs a pour source la simple affirmation de puissance.
L'humain est un état à dépasser et c'est par l'amour du danger et la volonté de
puissance qu'il est possible d'accéder au Surhumain.
Schopenhauer – L'Art d'avoir
toujours raison
L'art de la controverse révèle la vanité
de l'homme, souvent plus soucieux de flatter son orgueil que d'atteindre la
vérité. Voici donc une bonne leçon de dialectique avec 38 stratagèmes pour, en
toute mauvaise foi, terrasser son adversaire.
Arendt – Condition de l'homme
moderne
Paru 10 ans après L'Origine du totalitarisme,
cet essai peut être entendu comme une réponse à la question : à quelle condition
un univers non totalitaire est-il possible ? Anna Arendt développe en effet une
réflexion sur la situation nouvelle de l'homme, sur son statut moderne, afin de
se donner les moyens d'éviter des dérapages vers une barbarie dont le XX è
siècle a fourni un terrible exemple.
Karine Pothier