Un coup de coeur de Jean-Baptiste G.
Les redoutables légions romaines furent bien plus qu'un ensemble de corps drastiquement organisés, armés et disciplinés, cela l'historiographie s'est largement attachée à le démontrer. Toutefois, si leur rôle politique majeur et leur indéniable efficacité au combat furent mainte fois abordés et étudiés avec attention, il est un point sur lequel Le génie civil de l'armée romaine apporte un éclairage tout particulier : les légions de l'Urbs furent aussi et peut-être surtout des légions de bâtisseurs.
Ce livre propose au lecteur un voyage au quatre coins stratégiques de l'Empire romain, de la Gaule boisée à la brûlante Égypte en passant par les vastes rives du Danube et du Rhin. Par le texte limpide et documenté de Gérard Coulon et les magnifiques et minutieuses aquarelles de Jean-Claude Golvin, il nous est donné de découvrir ces édifices spectaculaires qui composent et rythment aussi bien le paysage que la vie de la Rome antique. Bien plus qu'un simple inventaire archéologique, Le génie civil de l'armée romaine propose au lecteur un éclairage sur le rôle indispensable des soldats dans la réalisation de ces instruments parmi les plus importants de la conquête et de la romanisation des provinces : les routes et les ponts, les aqueducs et les canaux, les colonies et les villes que nous habitons et utilisons pour grande partie encore aujourd'hui.
Car conquérir n'est-ce pas détruire pour mieux bâtir ? Bâtir sur ce qui existait précédemment pour, d'une part, mieux asseoir sa domination en se procurant les instruments culturels et institutionnels indispensables à la pérennité de l'occupation et de l'occupant, mais aussi pour mieux assimiler et intégrer, ou peut-être asservir et acculturer, ceux-là même qui, vaincus mais toujours présents, passent sous la coupe de l'envahisseur? L'objectif premier des légions fut donc de rendre Rome et le pouvoir impérial omniprésents aux yeux des populations locales en même temps qu 'elles construisaient les infrastructures nécessaires à la victoire et à l'attachement de ces dernières.
Finalement, à la lecture de ce formidable travail, il nous est permis de nous demander si, plus que le glaive et le pilum, la groma et le chorobate ne furent pas les plus redoutables armes de la legio.