Un coup de coeur de Pierre
Dans son livre le plus connu, Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes Roger Boussinot faisait le récit intense, précis et bouleversant de la fin d'un monde, celui de l'agr-pastoralisme landais.
Ici, c'est à la fois le même et l'autre. Le même par le lien de famille, presque de malédiction, que Boussinot crée entre Chalosse et Marie-Jeanne et l'autre par l'humour, l'ironie, la distance sarcastique dont il trame cette histoire.
Cette histoire est double c'est à la fois le récit d'une vie, une vie de bonne rurale dans la première moitié du XXème siècle, dans le canton, fictif mais bien réel, de Saint-Camon, en Gironde. Vie qui est rendue dans son acide monotonie, par Marie-Jeanne elle-même. Car le narrateur a confié a cette femme qui semble couler une paisible retraite dans sa maison des Bernis, un magnétophone.
Et la taiseuse s'est mise à parler, des centaines de cassettes où se croisent son passé de bonne et son présent obsédé d'une seule affaire : l'arrivée de l'autoroute et sa possible expropriation.
C'est ici l'autre fil narratif que tresse Boussinot, le plus drôle et le plus déchirant. Faisant la chronique du bouleversement de ces tranquilles campagnes par le bitume et le désir des restoroutes, et surtout décrivant avec une sagacité féroce, chabrolienne, les mœurs de notabilité corrompue du modernisme triomphant Boussinot parvient à tenir d'une même main sure la comédie de moeurs et le portrait biographique.
Marie-Jeanne des Bernis est une vraie gemme à redécouvrir.