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Non précisé.
C'est en qualité d'étudiant-ethnologue que Serge Bouchard passa une année en immersion au sein de la confrérie des camionneurs dans le Grand Nord canadien en 1975. C'est en qualité d'écrivain qu'il nous en livre aujourd'hui le récit sensible et sagace.
Ce qui frappe en premier lieu dans ces quelques deux cent pages qui se lisent d'un trait, c'est la qualité d'écriture et la finesse du trait. Par son sens de l'observation et la justesse de ses descriptions, l'auteur nous emmène avec lui et les truckers, bien chaleureusement installés dans un de ces monstres de fer qui traverse le Grand Nord enneigé. On y est. Par ses jeux d'esprit et la perspicacité de ses réflexions, il nous emporte tout aussi loin, mais cette fois-ci en pensée(s). Aussi loin que l'esprit des camionneurs lorsque celui-ci entre en méditation après de longues heures de silence et de solitude. Une véritable invitation à la réflexion.
On le comprend assez vite : le métier de camionneur serait très rude et ennuyant sans les tics et les manies des camionneurs, sans leur verve et leur humour, sans leurs bravades contre le sommeil, sans les restaurants de bord de route qu'ils occupent, sans la personnalisation et personnification de leurs engins, sans ce sentiment de marginalité. En somme, sans le mythe du camionneur tel qu'on le connaît.
De ce témoignage d'une époque révolue, reste donc un questionnement des plus actuels : la culture auto-générée par chaque corps de métier ne sert-elle pas simplement à rendre le travail et le quotidien plus acceptables ?
« Et c'est en outre au camionneur qu'incombe la tâche de maintenir vivante l'illusion que le monde est petit, qu'il va de soi de trouver en abondance à l'épicerie des oranges et des avocats en décembre. »