Un coup de coeur de Mollat
Locataire de la pension Ikkoku, Godaï, éternel étudiant, peine à préparer son examen d'entrée à l'université, la faute à ses turbulents et excentriques voisins qui font de sa vie un enfer. Excédé, il décide de déménager avant de changer brusquement d'avis dès l'instant où il croise Kyoko, la nouvelle concierge, dont il tombe éperdument amoureux. Problème : celle-ci vit dans le souvenir de son défunt mari et n'est pas prête à s'engager dans une autre histoire. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Godaï attend le moment propice pour déclarer sa flamme tandis qu'un riche et séduisant prof de tennis tombe bientôt sous le charme de la jolie veuve…
A partir d'une trame simplissime, Rumiko Takahashi signe là une comédie romantique pétillante et enlevée où s'exprime son goût pour le comique de situation rocambolesque et les personnages improbables. Prétexte à des quiproquos en pagaille, le chassé-croisé amoureux entre le persévérant Godaï et Kyoko qui s'étendra tout de même de 1980 à 1987 (!) oscille constamment entre légèreté et gravité et s'avère bien plus subtil que le titre affreusement sirupeux de Juliette je t'aime ne le laissait présager. De Godaï, étudiant raté hanté par l'échec, à Kyoko, veuve et indépendante, en passant par tous les locataires hauts en couleur de la pension, Rumiko Takahashi a le mérite de nous livrer une vision du Japon des années 80 qui se situe hors des sentiers battus et des clichés. Surtout, ce manga sait se faire mélancolique et émouvant, l'auteur sachant jouer de cette poétique du temps qui passe et de l'éphémère à mesure que s'écoulent doucement les saisons et les soubresauts de l'intrigue. Par cette capacité à sublimer ces temps morts, ces phases de contemplation et ces petits riens du quotidien, Maison Ikkoku est un vrai petit chef-d'œuvre qui méritait amplement d'être réédité. Oubliera-t-on jamais Kyoko balayant les feuilles de l'automne jonchant le perron de sa pension ?