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Un bon cru, une mauvaise nouvelle...

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Publié le 06/10/2009
Alors que nous commentions la publication de la seconde sélection du prix Goncourt et son étonnante qualité, nous apprenions le décès de Gérard Bobillier, éditeur et fondateur des éditions Verdier. Il a publié François Bon, Benny Levy, Pierre Michon, Jean-Claude Milner, Pierre Bergounioux, Miguel Delibes, Chalamov, et tant d'autres qui, en trente ans d'activité, ont constitué un catalogue inégalable.
Goncourt, les compteurs à zéro.
L'académie Goncourt publie aujourd'hui son avant dernière liste de sélection avnt l'annonce du prix. Le dernier carré sera annoncé le 27 octobre pour un palmarès publié le 2 novembre.
Première constatation, les compteurs sont remis à zéro puisque les forces en présence sont à nouveau équilibrées. Des cinq « Gallimard », un seul reste en lice, Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye. Les pessimistes y voient un désaveu, les optimistes un écrémage. Le Seuil n'est plus directement représenté mais conserve deux pieds et une main dans la place avec les deux romans publiés aux éditions de Minuit qu'il distribue et Ce que je sais de Véra Candida, de Véronique Ovaldé, publié aux éditions de l'Olivier, une de ses filiales.

Les grands tenants de la tradition littéraire sont toujours là : Grasset avec Sorj Chalandon, Albin Michel avec le premier roman de Jean-Michel Guenassia, Le club des incorrigibles optimistes, Stock et Justine Levy qui cesse enfin d'être « la fille de… » et devient un auteur à part entière ; enfin, Delphine de Vigan, en laquelle Jean-Claude Lattès, son éditeur, fondait de grandes espérances, reste dans la course au titre et pourrait concrétiser ainsi sa promesse de succès.

Quelle que soit l'issue du prix, on ne peut que constater que ce Goncourt 2009 est et sera un bon cru : les romans restant en lice figurant au rôle des favoris des libraires annoncé à la fin du mois d'août. Alors, comme on dit chez Bruant : « wait and see »…

La sélection :
La Légende de nos pères, de Sorj Chalandon (Grasset)
Le Club des incorrigibles optimistes, de Jean-Michel Guenassia (Albin Michel)
Mauvaise fille, de Justine Lévy (Stock)
Des hommes, de Laurent Mauvignier (Minuit)
Trois femmes puissantes, de Marie NDiaye (Gallimard)
Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé (L'Olivier)
La Vérité sur Marie, de Jean-Philippe Toussaint  (Minuit)
Les heures souterraines, de Delphine de Vigan (JC Lattès)


La mort de Bob
Gérard Bobillier est mort. Ses amis l'appelaient Bob. Les autres aussi, mais pas en face de lui, dans son dos. Bob est mort, donc. Gérard Bobillier a fondé, il y a trente ans les éditions Verdier, avec Colette Olive, Michèle Planel et Benoit Rivero. Au cours de ces trente années Verdier et Bob ont croisé bien des chemins : celui de la philosophie, celui du judaïsme, celui de la poésie, celui de la littérature, modeste ou orgueilleuse, qui ne se voulait ni pure ni sale, mais simplement littérature. Des amis étrangers sont venus accompagner la caravane, d'Italie, d'Espagne, de Russie et du Japon, même. Beaucoup de vivants, quelques grands morts ; des écrivains.

Ces rencontres, il les a mises en livres, sous la nécessaire couverture jaune de Verdier ; il les a également mises en présences, à travers sa dernière aventure, le Banquet du Livre qui se déroulait chaque année à Lagrasse, beau gros village de l'Aude, planté au milieu des Corbières, avec ses rues qui dégringolent vers l'Orb et son abbaye à demi en ruine. Là bas, on croisait Pierre Michon, Eugenio de Signoribus, un poète italien si ténu qu'un coup de vent aurait pu l'emporter, le tempétueux Armand Gatti, le modeste et formidable Jacques Bonnaffé, Jacques Réda, etc.. On croisait aussi des guides forestiers érudits, des profs de fac en short, des étudiants qui avaient fait le voyage de bien loin pour compagnoner quelques instants avec leurs maîtres, des familles qui s'abandonnaient un moment au plaisir de lire et d'entendre.

Né en 1945, issu de la Gauche Prolétarienne, Gérad Bobillier a accompagné et contribué aux grands mouvements sociaux des années 70, de Lip au militantisme paysan dans les Corbières. En 1979, il fonde avec quelques amis les éditions Verdier qui s'attellent en premier lieu à la publication des textes philosophiques et religieux. Viendra ensuite le temps de la littérature et Verdier accueillera François Bon, Pierre Bergounioux, la discrète Michèle Desbordes, hélas disparue et, enfin, Pierre Michon. Ce compagnonnage particulier avec ses auteurs se noue autour d'une fidélité à leur œuvre doublée d'une exigence souvent partagée. Dans le bel hommage qu'il lui rend sur son blog, François Bon avoue quelques tensions et des incompréhensions qui resteront irrésolues avec celui qui accepta de publier L'enterrement, texte refusé par Jérôme Lindon mais refusa Rolling Stones, une biographie, trouvant que ce livre n'avait pas sa place à son catalogue.

Gérad Bobillier est donc mort aujourd'hui et c'est Pierre Michon qui ce matin, sur France Culture, a annoncé la nouvelle. Qui d'autre l'aurait pu ? Dans les jours qui viennent, on ne comptera plus les hommages à Gérad Bobillier. Chacun ira de son compliment et tous auront raison : c'était un grand éditeur. Longue vie aux éditions Verdier.

A tous ses proches, les libraires et l'ensemble du personnel de la librairie, présentent leur plus sincères condoléances.


Photo : Gérard Bobillier
Source : Un nécessaire malentendu, le blog de Claude Chambard