Un coup de coeur de Mollat
Et pourtant, rien ne laisse présager de la véritable paix que l'auteur-alors âgé de trente ans- retire de l'écriture de ces lignes : Jacques Lusseyran nous raconte en effet les vingt premières années de sa vie, pendant lesquelles il a perdu la vue et connu l'éclatement de la seconde guerre mondiale.
Il est difficile d'imaginer qu'un enfant qui perd la vue à l'âge de huit ans puisse demeurer aussi heureux, malgré la pression sociale et l'apitoiement des adultes. Jacques n'a pas une seule seconde pensé à s'apitoyer sur son sort, tant ses parents lui ont transmis force et humilité. La cécité ne l'effraie pas, au contraire, elle le transcende. De la perte de la vue naît cette lumière qui ne le quittera jamais…ou presque. Cette lumière, qui le suit à chacun de ses pas, le mènera à des amis qui ne le quitteront jamais, ainsi qu'à la découverte de la littérature, du théâtre et des grands penseurs de son temps. Elle fait de lui un enfant puis un adolescent doté d'une immense sensibilité, d'une grande capacité d'analyse de son époque : à l'orée de l'éclatement de la seconde guerre mondiale, Jacques nous décrit toute la tension monter à Paris. En Juin 1940, il entend l'appel du général de Gaulle depuis la BBC et entreprend alors de s'engager : en 1941, Jacques rejoint le mouvement Défense de la France et sera plus tard déporté à Buchenwald.
Jacques Lusseyran est à la fois en plein cœur et hors du monde, -intimement engagé dans la résistance tout en étant aveugle et vu comme différent - et c'est bien sur cette dualité que ce récit fonde son caractère exceptionnel. Au-delà d'un récit juste et touchant sur l'enfance et l'adolescence, l'auteur nous invite à une belle leçon de courage et d'humilité.
Les éditions Folio rééditent le texte de Jacques Lusseyran, l'occasion de relire ce sublime témoignage.