Un coup de coeur de Karine G.
À chacun de ses romans, elle réussit à dépeindre un univers radicalement différent du précédent : après avoir chevauché au fin fond du désert de Patagonie dans le terrifiant Il reste la poussière (qui vient de paraître au Livre de Poche), Les larmes noires sur la terre nous emmène à Papeete, mais le rêve de carte postale tourne court. Moe, jeune femme de 20 ans, rencontre Rodolphe son prince charmant, le suit en métropole et ne tarde pas à déchanter quand celui-ci se montre brutal et l’oblige à s’occuper de sa grand-mère aussi cruelle que lui envers cette « étrangère ». Six ans après, Moe veut repartir sur son île, mais tout a changé : elle est devenue mère, et son amour infini pour ce petit être neuf va faire basculer son destin. Désormais, elle se bat pour son fils, espérant en des lendemains meilleurs. Pourtant le sort s’acharne et elle échoue comme des milliers de défavorisés au centre d’accueil du Haut Barrage, soit une immense casse automobile, sorte de bidonville surveillé jour et nuit par des gardiens barbares, et une vieille Peugeot 306 grise pour tout abri. La place 2167, son matricule, sera sa nouvelle identité, et comme horizon le travail exténuant aux champs pour gagner une misère, pas vraiment de quoi payer leur billet retour. Sa véritable chance réside alors dans la rencontre avec ses voisines du « quartier » qui vont les apprivoiser, elle et son enfant. Le lecteur ne peut oublier Ada la vieille Afghane guérisseuse, Poule, Nini-peau-de-chien, Jaja, Marie-Thé : ces cinq femmes puissantes vont retracer chacune leur tour leurs histoires effrayantes et édifiantes, donnant à Moe la force de survivre, quitte à tenter l’impensable, quitte à tout perdre aussi…
La force de Sandrine Collette réside dans son incroyable talent de conteuse de ces destins brisés par la monstruosité des hommes et magnifiés par son écriture. Plongez dans l’enfer de la Casse et laissez cette magicienne vous ensorceler avec ce suspense digne d’une des grandes dames du « noir » contemporain !