Un coup de coeur de Anthony G.
D'abord, il y a l'illusion dont s'enorgueillissent les politiciens avides de pouvoir mais dont le pouvoir se limite à des sujets secondaires ou dont les décisions sont orientées par la force du vent, l'avis des experts, les préconisations techniciennes ou l'opinion publique. Ainsi la marge de manœuvre politique est faible, les grands choix hors de portée. Ainsi les gouvernements deviennent administration et se transforment en bureaucratie au service de l'appareil étatique.
Dans ce contexte, changer de représentants politiques tous les cinq ans dans l'espoir d'un quelconque renouveau apparaît d'autant plus illusoire. Les citoyens ayant tendance à tout attendre du politique s'en remettent volontiers à ceux qui savent et ceux qui dirigent. Ils troquent leurs responsabilités contre le pouvoir de ceux qui ne peuvent pas grand chose.
En résulte un dialogue d'impuissants que la technique transforme en spectacle.
Face à ce constat qui fait de la démocratie un mythe, Jacques Ellul n'appelle ni au désespoir ni au renoncement politique. Il invite, au contraire, à faire sécession en se tenant à distance de l'actualité politique pour mieux se recentrer sur ce qui compte vraiment. Plutôt qu'observer inlassablement ce que peut l'État, il s'agit de se demander ce que nous pouvons nous-mêmes, à petite échelle. Par ses observations, le philosophe souhaite « amener le citoyen dépouillé de ses illusions à une attitude vraiment démocratique, conscient de l'importance de changer de style de vie plutôt que de s'engager dans un mouvement partisan ».
Du reste, L’illusion politique est de la trempe des livres dont on pourrait surligner la moitié des pages. Un ouvrage qui est comme une démonstration implacable qui invite inévitablement à la réflexion. Un incontournable d'une intelligence rare !
« Tout penser en termes de politique, tout recouvrir par ce mot (…), tout remettre entre les mains de l’État, faire appel à lui en toute circonstance, déférer les problèmes de l’individu à la collectivité, croire que la politique est au niveau de chacun, que chacun y est apte : voilà la politisation de l’homme moderne. Elle a donc principalement un aspect mythologique. Elle s’exprime dans des croyances et prend par conséquent aisément une allure passionnelle. »