Un coup de coeur de Héloïse
"(...) car seule l'existence du livre l'intéresse, c'est notre unique consolation à nous autres, les fils de ce pays ravagé par les flammes, condamnés à évoquer, à vérifier, à regretter avant de nous mettre à composer des chansons pour l'incendie."
Ainsi s'achève le dernier ouvrage de l'écrivain Juan Gabriel Vasquez. Neuf nouvelles pour évoquer la mémoire d'une violence omniprésente en Colombie, pays natal de l'auteur. Les différents narrateurs en font l'écho par leurs histoires teintées de secrets, mensonges ou trahisons.
Il y a cet homme, qui aurait pu partir en service militaire mais, par le jeu d'un tirage au sort, verra son meilleur ami partir à sa place. Ce dernier y décédera en exercice, et le narrateur ne se rendra pas à ses obsèques. Il y a ces enfants qui occupent leurs journées par des bagarres, et dont on comprend qu'ils vivent dans une résidence protégée car leurs parents sont tous menacés, sinon déjà tués, par les narcotraficants. Il y a cette narratrice qui se rappelle avoir fait croire à un homme, dont l'assistante était tombée à cheval dans la journée, que cette dernière était morte de sa chute, simplement pour voir sa réaction.
Le mal est partout et ne prend pas toujours la forme d'une violence faite de balles et de sang, il se niche dans les non-dits et les mensonges. Juan Gabriel Vasquez est très présent dans ces nouvelles, brouillant la frontière entre fiction et réalité, rendant ainsi ces histoires encore plus troublantes. Au-delà de la Colombie, pays meurtri, c'est chacun de nous que l'écrivain interroge sur son rapport à la violence, et à la mémoire de la violence. Son écriture juste et puissante laisse une très forte impression, c'est une lecture qui marque pour longtemps.