Un coup de coeur de Mollat
Jusque là, on pourrait croire à un petit roman paisible où il est question d'une relation père fils au bord d'une rivière, à pêcher la truite et le saumon. Mais très vite, on perçoit les failles du père qui pleure tous les soirs près de son fils, leurs sacs de couchage côte à côte dans l'obscurité de la cabane, dans la nuit noire de l'île. Jim essaie de prendre un nouveau départ dans sa vie après deux mariages ratés. Il pense bien faire en proposant à son fils de treize ans d'abandonner sa mère et sa sœur pour le suivre, pour apprendre à mieux se connaître.
Roy, jeune adolescent, sent très vite que ce nouveau départ ne lui convient pas, il peine à être seul avec cet homme qu'il ne connaît pas si bien que ça finalement. Perdu sur cette île et sous la menace grandissante des ours, il se réfugie dans la pêche et les souvenirs de sa vie d'avant.
Un univers hostile se développe au fil du récit, on sent que ni Roy ni son père ne s'acclimatent à l'île, malgré leurs efforts pour y parvenir et malgré leur satisfaction éphémère lorsqu'ils sont fiers d'une construction, d'un beau poisson pêché, d'un soir sans pleurs, ou du ravitaillement qui leur est donné par hydravion. Les épreuves s'enchaînent, un danger se dessine sans que le lecteur ne sache exactement quoi. Une noirceur grandit au fil du roman, pour devenir étouffante et omniprésente, jusqu'à un dénouement écrasant d'intensité.
David Vann nous livre un récit à vif sur l'échec, le retour amer sur les erreurs de la vie passée, la rédemption et les douleurs de l'âme. Sukkwan island laisse sans voix, il marque la littérature d'un trait meurtri par la vie de regrets que l'on peut avoir, dans un style immense et implacable. Une lecture inoubliable !