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L'art de pleurer en choeur

Auteur : Erling Jepsen


Un coup de coeur de Mollat

“Il a le pouvoir des mots mon papa", s'émerveille quotidiennement le narrateur de L'art de pleurer en choeur, le premier livre écrit du Danois Erling Jepsen traduit en français.
Du haut de ses onze ans, ce petit bonhomme se vante d'être le meilleur allié de son papa, à qui il voue une admiration infinie. Il ouvre grand les yeux et les oreilles, persuadé d'être un fin observateur à qui peu de choses échappent. "On ne peut jamais savoir ce que les enfants voient", déclare-t-il plein d'assurance et de solennité à sa petite voisine. Et pourtant... Que comprend-il de ce qui se déroule sous son nez ?
Que sait-il sur ce petit épicier de village autoritaire et dépressif, si ce n'est qu'il met un point d'honneur à ce que les habitants de cette bourgade du sud du Jütland respectent un certain nombre de valeurs morales et religieuses, obsession qui ne s'illustre jamais avec autant de force que lors des enterrements ? Cet homme taciturne y prend en effet la liberté d'intervenir - que le défunt fasse partie du cercle de ses connaissances lui importe bien peu - et de faire profiter l'assemblée endeuillée d'une oraison funèbre qu'il estime digne de ce nom. L'effet escompté ne tarde généralement pas à venir et les gens se laissent aller à verser des larmes - d'où le titre. En guise de remerciement, les villageois se remettent alors à faire leurs achats dans son magasin, qui est menacé de faillite le reste du temps.

Si l'enfant met bel et bien le doigt sur cette corrélation étrange entre funérailles et profit, réalise-t-il vraiment les implications du plan qu'il échafaude dans le but de mettre son père à l'abri des soucis financiers ? Et que saisit-il du personnage de sa sœur, à qui il demande de l'aide pour mener à bien son projet impossible ? Lui qui se veut par ailleurs si dégourdi, et qui a si vite compris que sa mère, aussi affectueuse soit-elle, n'était que synonyme d'impuissance dans cette famille au modèle incontestablement patriarcal, comment ne se rend-il pas compte que l'état graduellement dépressif de cette dernière n'est pas sans lien avec ce père au piédestal si tristement solide, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il constitue tout sauf un parangon de vertu ?

Et c'est précisément parce que vous n'êtes plus un jeune lecteur de onze ans qui bute encore sur des mots ou expressions un peu compliqués que vous ne pouvez qu'être frappé par toute l'horreur de ce qui se passe sous ce toit. Pour autant, le ton parvient à rester léger, voire enjoué, du début à la fin. Qui plus est, entre le personnage de Tabriel, création fantasmagorique née de l'imagination du pré-adolescent, et une poignée de scènes hautes en couleurs, on finit par flirter ouvertement avec le déjanté ! C'est alors à cet effroyable décalage entre l'inconscience du narrateur et la gravité des faits relatés que ce superbe roman doit sa puissance. Aussi abouti que perturbant, il n'est d'ailleurs pas sans évoquer le propos et l'ambiance de Festen, ce monument cinématographique réalisé par Thomas Vinterberg en 1998. Dans les deux cas, bien que la situation initiale soit a priori d'une simplicité déconcertante, on bascule rapidement et irrémédiablement dans des profondeurs infernales. En ce qui nous concerne, mieux vaut s'abstenir de chercher à savoir où se situe la limite entre réalité et fiction, et se contenter de souligner que ce sont de véritables chefs d'œuvre !
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Résumé

Le narrateur, un enfant de 11 ans, grandit dans la petite bourgade de Jütland, dans les années 1960. Son père, qui tient une épicerie, est un homme dépressif. Son seul plaisir est de se faire payer pour réciter des oraisons funèbres lors des enterrements, en échange d'argent. L'enfant en vient à souhaiter que surviennent des décès pour redonner le sourire à son père. ©Electre 2024

L'art de pleurer en choeur. Du haut de ses onze ans, le narrateur ne saisit pas très bien les enjeux du monde des adultes dans la petite bourgade du sud du Jütland où il grandit. Il a bien remarqué que le chiffre d'affaires de l'épicerie de son père augmentait après chacune des prestations de ce dernier... lors des enterrements : cet homme dépressif et taciturne a en effet un talent, celui de faire pleurer les plus endurcis grâce à ses oraisons funèbres déchirantes. Le gamin, qui accompagne les envolées lyriques paternelles de ses mimiques affligées, se prend au jeu : la famille est enfin considérée, et l'atmosphère à la maison est plus légère après chaque cérémonie.

De là à susciter l'augmentation du nombre des décès, il n'y a qu'un pas, vite franchi par l'imagination débridée de l'enfant. Et il trouve en sa soeur aînée, Sanne, une complice de choix. Que l'adolescente ne puisse plus supporter de devoir dormir sur le canapé avec son père, qu'elle veuille se venger de lui, il ne le voit pas. Il veut continuer son train paisible, élever ses lapins, et préserver à tout prix l'équilibre du foyer.

Jouant du contraste entre l'innocence de l'enfant et la saisissante réalité sociale qu'il dépeint, Erling Jepsen met à jour dans ce roman grinçant et parfaitement maîtrisé les sombres mécanismes d'une société rurale encore repliée sur elle-même dans la fin des années soixante.

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Fiche Technique

Paru le : 01/04/2010

Thématique : Littérature Scandinave

Auteur(s) : Auteur : Erling Jepsen

Éditeur(s) : Sabine Wespieser éditeur

Collection(s) : Littérature

Contributeur(s) : Traducteur : Caroline Berg

Série(s) : Non précisé.

ISBN : 978-2-84805-082-9

EAN13 : 9782848050829

Reliure : Broché

Pages : 312

Hauteur: 19.0 cm / Largeur 14.0 cm


Épaisseur: 1.8 cm

Poids: 356 g