Un coup de coeur de Mollat
Avec Les Chutes, retour aux sources, en quelque sorte puisque l'intrigue se situe à Niagara Falls dans une région qui lui est chère puisqu'elle y est née et qu'elle a vu se métamorphoser ce lieu touristique (on y vient admirer et trembler devant les chutes) en délire industriel (on y trouve désormais la plus forte concentration d'usines chimiques du pays). Ce décor, furieux, bouillonnant, est le théâtre du drame en cinq actes et trente tableaux qu'échafaude Oates : histoire brève et violente d'une noce achevée dans les Chutes, puis complainte longue et fébrile d'un mariage brisé par une société qu'on ne trahit pas sans le payer de sa vie. Il y aurait beaucoup à dire sur les thèmes récurrents de l'auteur, sa vision d'une Amérique en chute libre, à la recherche de son propre rêve atomisée par une croyance folle dans le progrès, les pulsations de mort qui parcourent ses héros brûlés par une révolte interdite, l'affrontement entre des générations dont les fils reproduisent les crimes des pères. Il y a surtout beaucoup de stupéfaction dans la lecture des Chutes, dans cette façon de raconter, de jouer le jeu romanesque sans les pudeurs de ceux qui sont gênés par le simple fait de raconter. Une fois encore, donc, ne boudons par notre plaisir de lecteur et tant pis pour les suspicieux, ils ne savent pas ce qu'ils loupent...