Un coup de coeur de Mollat
Vous l'aurez compris, Dans la foule illustre l'effervescence des 60 000 spectateurs venus assister à la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions entre Liverpool et la Juventus de Turin, ou plutôt ses différentes strates de supporters souhaitant (ou non) se mélanger plus qu'à la normale.
Avec sa petite mélodie, Laurent Mauvignier, imagine une mosaïque de communautés qui ne fera plus qu'une lors de ce grand rassemblement. Tout comme un caméraman sur sa nacelle, il nous dévoile quelques supporters choisis au hasard de leurs singularités, pour mieux s'immiscer dans leurs vies, pour mieux être « zoomés ». Et c'est ainsi qu'on débusque parmi cet immense cortège, deux français férus de foot, un couple italien en pleines noces, ou encore des frères qui se révèlent plus hooligans qu'à l'accoutumée. On découvre peu à peu que tous ont une histoire, une vie qui suit nonchalamment son cours, et tous devront la continuer en assumant un traumatisme additionné à certaines rencontres.
Mais on n'invente plus lorsqu'il nous est montré la folie d'un regroupement aussi intense et chargé d'électricité, la folie des Reds qui dépassèrent la limite de leur tribune pour s'attaquer aux Tifosi. Cette folie où l'on se sent traqué dans un entonnoir, enjambé, piétiné, étouffé, jusqu'à la chute et au fatal verdict: 38 morts et plus de 600 blessés.
Le tour de force chez Mauvignier réside bel et bien dans son titre : la foule. Cette étrange impression d'attirance et de peur, d'être une identité à part entière. Un roman choral qui trouve toute son humanité et sa beauté à travers une tension qui s'élève comme une rumeur, puis se déclenche d'un seul coup. Le trouble paradoxe entre attraction et répulsion d'un rassemblement.
Alors pour vous Mesdames, encore réticentes face au sujet, n'ayez crainte, Laurent Mauvignier, n'abonde pas dans la discussions viriles de comptoir, bien au contraire. Et pour ces Messieurs, certes il est question de foot, mais plutôt d'ambiance euphorique telle qu'on peut l'entendre, la ressentir à l'orée d'un évènement sans précédent. Un sentiment universel. Et puis cette histoire, même ce bout d'Histoire avec un grand H (sans fierté aucune), qui une fois passé dans les mailles du filet Mauvignier, se transforme en beauté chaotique, comme si vous regardiez à la loupe (et avec un certain cynisme je vous l'accorde) la vie d'une fourmilière avant et après avoirs posé le doigt dessus…