Un coup de coeur de Mollat
Le héros du livre Louis Blériot-Ringuet, un nom pour s'élever, fait une brusque rechute amoureuse quand réapparaît la belle et imprévisible Nora Neville qui a plaqué sa vie anglaise (et l'homme qui y évoluait...) pour revenir faire un tour en France, sans plan. Ils ont plus tôt vécu une histoire belle et folle, mais la Belle, un peu folle, avait tout plaqué, laissant sur le carreau son as de cœur ébranlé. La voilà qui revient et tout recommence, la ferveur et l'attente, les corps emmêlés et disjoints, la disparition et l'angoisse. Notre moderne Manon Lescaut refuse d'abdiquer une liberté dont elle ne sait pourtant que faire, et notre Chevalier, dans la vie un velléitaire traducteur qui a bien du mal à se concentrer et à payer ses dettes, ne peut se résoudre à un nouvel éloignement. C'est l'enjeu romanesque de ce beau livre sinueux : comment remplir le vide que crée l'absence de l'être aimé, comment donner du sens quand on ignore la direction de l'autre ?
Lapeyre a le génie de l'intériorité et nous dévoile ces univers de sentiments contradictoires, ces fissures qui deviennent des failles, ces élans qui se meurent pour renaître. Livre sur les temps de l'amour, qu'on lit d'un long souffle, La vie est brève et le désir sans fin possède cette qualité d'émotion, ni mièvre ni artificielle, qu'on recherche désespérément dans notre littérature. C'est trop rare pour passer à côté.