Un coup de coeur de Mollat
Née en Iran, elle a passé une partie de son enfance au Cambodge, puis est revenue en France ; de cette jeunesse faite de déplacements, elle a parfois gardé l'impression d'être de nulle part ; aussi les habits lui ont-ils servi de maison : habits, habiter, habitus ; « être là, vivre ici », chaque moment de son existence est associé à un vêtement : le premier manteau noir , une petite robe de mousseline bleue, un pull col roulé tout doux, le keffieh rouge du jour de l'élection présidentielle... De ses années d'éducatrice en milieu pénitentiaire , une image très forte : des talons aiguilles avec lesquels elle injecte de la vie dans un monde clos, contre « l'impitoyable mortification » ; par petites vignettes impressionnistes et poétiques, elle célèbre ce qui nous tient lieu d'enveloppe, de carapace, de poil ou de plume, et qui nous rend moins vulnérable aux yeux de l'autre. Pour elle, « celui qui voit tout de l'autre a le pouvoir » ; il est d'ailleurs conseillé pour attiser le désir ,de s'habiller plutôt que de se dévêtir : l'élégance est parfois plus érotique que la nudité ! Car, s'il n'est jamais futile , ce Dressing évoque aussi le plaisir de s'habiller pour soi, pour s'affirmer ou se réinventer. De l'adolescence à l'âge adulte, les vêtements nous accompagnent dans notre quête d'identité et notre rapport au monde. Tout au long de notre vie et quelquefois par-delà la mort, quand celui qui reste recueille les habits du défunt, le vêtement raconte l'histoire d'une personne ; ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tissu et texte ont la même origine.
Vous l'aurez compris, ce petit texte nous parle de nous, de la vie, de l'amour, du désir, de la mort et ce n'est pas la moindre de ses qualités. Lorsqu'on referme la porte de l'armoire, il nous reste des images, des émotions et le plaisir d'avoir partagé l'intimité de quelqu'un : que demander de plus à un bon livre ?