Le
stoïcisme impérial est souvent réduit soit à un résumé des premiers stoïciens,
soit à une philosophie purement éthique, qui aurait délaissé toute spéculation
logique et cosmologique. En réalité, ces stoïciens-là se concentrent sur la
dimension pratique et pédagogique de la philosophie. Ils se demandent ce que
signifie concrètement « être stoïcien » : s'agit-il seulement
d'adhérer à certaines thèses ? S'agit-il aussi de les appliquer ?
Comment les mettre en œuvre dans notre vie quotidienne ? Rares sont les
philosophes, même dans l'Antiquité, qui traitent sérieusement des questions
d'intendance intellectuelles !
Si Épictète et Marc Aurèle ne négligent pas les
démonstrations des principes, ils montrent qu'elles ne suffisent pas. Et cela
ne concerne pas seulement l'éthique. Comprendre la physique suppose de voir le
monde à travers ses principes. Maîtriser la logique exige d'appliquer ses
règles, quel que soit le sujet. Ce dernier stoïcisme a influencé discrètement
mais de manière décisive des auteurs aussi divers que Montaigne, Spinoza,
Shaftesbury, Kant, Nietzsche, Deleuze ou Foucault.
Thomas Bénatouïl est maître de conférences à
l'université de Nancy, spécialiste de philosophie antique, en particulier du
stoïcisme. Il a publié Le Scepticisme
(1997), Matrix, machine philosophique
(2003, avec A. Badiou, E. During, P. Maniglier, D. Rabouin et
J.-P. Zarader), Faire usage : la
pratique du stoïcisme (2006).