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30 ans sous le Cheyne 2

Publié le 08/07/2010
A rebours des modes et idées reçues sur la poésie, les éditions Cheyne fêtent fièrement trente ans au service de la création contemporaine : une solidité florissante mise à l'honneur tout cet été !
Du 12 au 31 juillet, Cheyne exporte son savoir-faire de la quiétude provinciale et champêtre (la maison s'est choisie comme siège une ancienne école sise à Chambon-sur-Lignon entre Auvergne et Rhône-Alpes, à 60 Kms de Saint-Etienne) à la capitale où une grande exposition à l'Orangerie du Sénat/Jardin du Luxembourg lui sera consacrée.
L'occasion sera alors de revenir sur son parcours singulier et durable puisqu'elle bénéficie d'une situation plutôt exceptionnelle pour un éditeur de poésie (mais pas seulement) certes toujours fragile, qui a parié sur des auteurs vivants méconnus et a su en une génération fidéliser certains qui ont gagné une notoriété, bâtir un catalogue (environ 300 titres) en révélant des textes forts qui ont trouvé écho vers le public.

La cohérence éditoriale et la foi du Cheyne s'enracinent dans un certain rythme défini dans « l'éloge de la lenteur », rédigée par le fondateur Jean-François Manier : le temps pour l'écrivain de donner vie à son texte, le temps pour l'éditeur de le choisir, lui donner forme pour le lecteur qui prendra le temps de le découvrir, le savourer, transmettre son plaisir à d'autres… C'est le cas pour le « best-seller » de Cheyne, contre-exemple typique assumé. Matin Brun de Franck Pavloff, petite plaquette d'une dizaine de pages vendue 1 euro, a bénéficié d'un immense bouche-à-oreille relayé par des lecteurs à travers le monde, les médias et la prescription scolaire, la fable mettant en garde contre les dangers des extrémismes politiques.

Le lecteur repère en un coup d'œil les livres de cet éditeur : la présentation est sobre et élégante dans le soin apporté au grain du papier, à la typographie à l'ancienne, et aux couvertures à larges rabats déclinées en six couleurs selon les collections maison.

La « collection verte » accueille des auteurs désormais (re)connus tels Jean-Yves Masson, Isabelle Pinçon, Jean-Pierre Siméon ou Patricia Castex Menier ; quant à la « collection grise » elle offre un espace privilégié pour de jeunes auteurs (parrainés par des aînés) sur lesquels parie la maison : citons par exemple Albane Gellé, ou cette année Marie-Laure Zoss ; « Grands Fonds » fait le choix de publier sous couverture rouge des textes inclassables en prose comme les récits puissants de Marie Cosnay, les fragments insolites d'Ito Naga ou le premier livre de Nathalie Quintane qui a assuré depuis sa visibilité dans le paysage littéraire actuel. Feue la collection « D'une voix l'autre » rassemblait les textes d'auteurs étrangers (tchèque, allemands, turques, américains, polonais, colombien, albanais, italien) gagnant à être connus en France, traduits pour la première fois (souvent par de grands poètes eux-mêmes : Claude Vigée, Philippe Jaccottet, Michael Edwards…) et présentés également dans leur version originale. La collection bleue dite « Prix de la Vocation » édite annuellement son lauréat : citons par exemple le talent remarqué de Linda Maria Baros en 2004 qui a fait cette année son entrée dans la « collection verte ». Comme son nom l'indique, les « Poèmes pour grandir » qui regroupe aussi des auteurs de collections adultes (Jean-Pierre Siméon, Jean-Marie Barnaud, Jacques Aramburu, André Rochedy) est destinée aux enfants ou aux plus grands afin que s'éveille une sensibilité poétique à travers des textes souvent ludiques, joliment mis en page grâce aux illustrations et collages de Martine Mellinette, co-fondatrice de la maison en1980.

Notons qu'une anthologie rétrospective présentant trente lectures d'auteurs phares vient de sortir à l'occasion de l'anniversaire de cette maison qui est bien plutôt une famille ou un « vaste pays » comme la désigne Yves Bonnefoy, le poète et parrain de l'entreprise qui prête sa plume amicale à la préface de ce livre hors collection.

De la conception des ouvrages à leur fabrication assurée dans l'atelier d'imprimerie auvergnat, de leur diffusion à leur distribution prise en charge par Jean-François Manier qui, n'hésitant pas à sillonner la France pour rencontrer les libraires, n'a pas son pareil pour nous vanter avec son inflexible enthousiasme la douzaine de richesses dénichées dans l'année par l'équipe Cheyne, qui s'est peu à peu étoffée.

C'est la défense d'une « littérature de création » - qu'on peut qualifier de poésie et/ou de prose poétique - nourrie de ce patient travail indépendant et artisanal qui sera mont(r)é pendant quinze jours à Paris, sans oublier les multiples rencontres organisées par cette jolie trentenaire qui tient à maintenir bien ouvertes ses portes entre la diversité des lecteurs (amateurs jeunes et adultes, professionnels du livre, enseignants…) et les auteurs. Dans le souci d'un échange constant, des balades littéraires, lectures, tables rondes, ateliers, stages, spectacles (mise en voix, concerts) non seulement avec des écrivains du Cheyne, les éditeurs mais aussi avec des traducteurs, typographes, relieurs, artistes, comédiens, libraires, bibliothécaires assurent la continuité de l'aventure éditoriale partagée avec le plus grand nombre.
Chaque année, des « Lectures sous l'arbre » réunissent pendant près d'une semaine (du mardi 17 au dimanche 22 août 2010 pour cette dix-neuvième édition) un public toujours désireux de respirer à 1000 mètres d'altitude l'air vivifiant de la littérature contemporaine qui « nous mène en effet au cœur du monde » comme le rappelle si justement Jean-François Manier.





Iris

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