Petites notes sur
l'auteur.
John Harvey est né à Londres en 1938.
Après des études
au Goldsmith College, à l'Université de Londres et à Hatfield Polytechnic, il
obtient un Masters en histoire et civilisation américaine à l'Université de
Nottingham.
Jusqu'en 1995, il y enseigne la littérature anglaise et le
théâtre, et intervient régulièrement dans des cours d'ateliers d'écriture.
C'est un touche à tout : il écrit des scénarii pour la télévision et la
radio, des poèmes, s'intéresse à la danse, à la peinture, à la musique, et
notamment au jazz. Il est aussi spécialisé dans l'adaptation radiophonique, tant
de son oeuvre que de celle des autres (il a notamment reçu the Silver Award en
récompense d'une adaptation d'un roman de Graham Greene).
Petite cuisine du meurtre
Une écriture dense
et précise, une narration éclatée permettant de capter le point de vue des
différents protagonistes, un constat social - une vision sombre et aigüe des
années post Thatcher - tels sont les ingrédients de prédilection de John Harvey,
sans oublier la musique, omniprésente, une certaine mélancolie prégnante, les
drames humains qui en entraînent d'autres, inéluctablement. La galerie des
personnages d'Harvey est riche et attachante, que l'on soit gendarme ou voleur,
les raisons des actes de chacun sont analysées de manière à la fois humaniste,
fine et implacable, car on n'échappe pas à son destin : la Fatalité
veille...
Le cycle Charlie Resnick
John Harvey est
surtout connu pour sa série de romans policiers mettant en scène l'inspecteur
principal Charlie Resnick, cycle clairement référencé sur le 87e District de Ed
McBain, on y retrouve la profondeur des personnages, leurs problèmes humains,
leurs hésitations... Le cadre est celui de la ville de Nottingham, détail
important car elle constitue un personnage à part entière, déterminant dans les
actes des personnages. John Harvey dit d'ailleurs de cette cité "qu'elle
comporte le plus grand nombre de crime par habitant"... Pour la
petite histoire, Harvey connaît bien Nottingham, il y a longtemps vécu et, après
plusieurs années passées à Londres, il est revenu s'y installer avec sa famille
en 2004.
Charles Resnick apparaît pour la première fois dans Coeurs
solitaires
lorsqu'en 1989 John Harvey décide d'aborder le roman policier de
procédure.
Son créateur le dote d'une origine polonaise - il y a une
importante communauté polonaise à Nottingham, qui a fui la Pologne au début de
la seconde Guerre Mondiale - son idée de départ étant d'évoquer un homme qui
fait à la fois partie de la ville où il a grandi mais aussi un "outsider", un
étranger. Il fréquente d'ailleurs un Club polonais, sorte d'amicale où
l'on peut prendre un verre, jouer aux cartes ou discuter. La vie sentimentale de
Resnick est mal en point : un divorce après cinq ans de mariage, le blues
le poursuit lorsque dix mois plus tard son ex-femme Elaine lui apprend qu'elle
se remarie. Resnick se nourrit de sandwiches variés qu'il aime à se préparer -
n'épargnant pas au lecteur leur composition - qui finissent invariablement
par atterrir sur sa cravate ou sur son pantalon.
Côté musique, Resnick est féru de jazz - comme Harvey - ce n'est pas un hasard si ses quatre chats portent des noms de jazzmen célèbres : Bud, Miles, Pepper, Dizzy ! Nombreuses et explicites sont les références au jazz qui parsèment l'oeuvre.
Quelques extraits, pour l'ambiance :
"Après avoir rempli la bouilloire et allumé le gaz, Resnick passa dans le salon et prit un vieil album sur l'étagère, un vinyle qui grattait (...) Le disque, c'était Thelonius Monk joue Duke Ellington, l'un des premiers albums de jazz moderne qu'il eût entendus ou possédés ; ce piano aux sonorités étranges, si familières à présent, insistantes et pourtant fragmentaires, Monk traquant les mélodies du Duke avec une hésitation pleine d'éloquence" (in Derniers sacrements ).
"Pour Noël, Resnick s'était acheté l'intégrale de Billie
Holiday chez Verve, une nouvelle édition de l'autobiographie de Dizzy Gillespie,
et le guide Penguin du jazz en CD, albums et cassettes. Ce qu'il lui restait à
acquérir, c'était un lecteur de disques compacts" (in Lumière
froide
).
"Quand il s'assit, son regard fut attiré vers le cadre,
au mur, contenant le portrait de Lester Young photographié par Herman Leonard ;
Lester, l'air fatigué, paraissait plus vieux que ses quarante et quelques années
(...) Quand, pas tellement plus tard, Resnick monta se coucher, il laissa
la chaîne allumée, Lester en pleine gloire et au mieux de sa forme lançant sur
son saxophone des notes légères au rythme sinueux qui le suivirent jusqu'en haut
de l'escalier : I Never Knew, If Dreams Came True (...) " (in Eau
dormante).
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