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Myriam David (1917 - 2004)

Publié le 04/07/2005
Le 28 décembre 2004 Myriam David s'éteignait à l'âge de 87 ans. Un nom qui reste souvent inconnu pour le grand public alors que ses observations et recherches sur l'enfant ont profondément modifié notre manière de concevoir l'intéraction mère-enfant, le développement affectif de ce dernier ainsi que les soins apportés par certaines institutions comme l'assistance publique ou les crêches.

Externe des hôpitaux de l'Assistance publique, résistante durant la seconde guerre mondiale, Myriam David est déportée à Auschwitz. Cette expérience concentrationnaire sera essentielle dans ses recherches : cette détresse, elle la retrouvera chez les enfants de l'Assistance Publique dont elle va s'occuper. Geneviève Appell dira d'elle que "son expérience personnelle d'Auschwitz-Birkenau est encore là, tout vif, et ces enfants vivent pour elle une véritable déportation avec une intolérable expérience concentrationnaire."

La psychologue Geneviève Appell qui collaborera pendant plus de 20 ans avec elle, la rencontre alors que Jenny Aubry Roudinesco, chef du service de pédiatrie de l'hôpital Ambroise-Paré demande à Myriam David d'y venir travailler. Il s'agit de trouver des solutions afin d'améliorer le centre dont Geneviève Appell en fait ici une description (1) :

"Ces enfants viennent à cause du départ de leur mère pour la maternité ou l'hôpital, de l'attente d'un logement, de l'emprisonnement de parents..., quelques-uns sur ordre du juge. Il y a de nombreux "délaissements", mais pas d'abandons clairement exprimés. La durée de leur séjour est toujours indéterminée. (...) Leur état n'est jamais bon.(...) Sans cesse trimballés d'un étage, d'une pièce à l'autre, pour être levés, couchés, pour aller manger ou jouer, les enfants semblent, comme les adultes d'ailleurs, en attente perpétuelle. De quoi ? Du moment suivant qui n'apportera rien de plus sauf la fin du jour. Les plus jeunes restent couchés, certains sont attachés et peuvent être changés de lit pour commodité. Ils sont douchés, ce qui les terrorise, mais un bain prendrait trop de temps. Les plus âgés sont gardés en groupe nombreux, d'âges mélangés. Tous sont entourés par des adultes affairés, aux gestes et parlers rudes, qui ne s'adressent pas vraiment à eux et, quelquefois, ne connaissant pas leur nom, ils se servent pour les identifier du numéro attaché à leur collier. (...) Les jouets sont absents (...) Les enfants déambulent sans but, gauches, atones, plutôt silencieux jusqu'au moment où éclate un conflit violent (...). Ceux qui ont encore la force de chercher refuge auprés d'un adulte le trouvent parfois mais le perdent toujours rapidement, ce qui les plonge dans une nouvelle détresse. Beaucoup ne cherchent plus le secours de l'adulte et même discrètement fuient le contact. Il y a aussi ceux qui, encore plus mal, demeurent là, allongés, assis ou debout, inertes ou plus souvent absorbés dans les balancements sans fin. Comme on ignore les effets de la carence de soins maternels, leur état est mis sur le compte de "tares" dues à leur milieu d'origine défavorisé, à leurs parents alcooliques, syphilitiques, malades mentaux..."

Comme l'écrit Anne-Lise Stern (2) rejoignant l'analyse de Myriam David, "toute déportée se reconnaissait d'emblée en eux, et - sans que ce soit, dans ces années-là, à formuler - chacun y reconnaissait des déportés (...). Ne pas tolérer cela - plus jamais ça - a été le véritable moteur qui faisait supporter à toutes, infirmières, jardinières d'enfants, assistantes sociales, les étranges initiatives de leur nouvelle patronne (Jenny Aubry) et de ses psychanalystes".

Myriam David va porter son attention sur différents points : l'écoute du personnel soignant ; limiter les déplacements des enfants ; un jardin d'enfant est conçu comme un lieu thérapeutique. D'autre part, du temps est pris avec les parents et l'arrivée d'une assistante sociale met en lumière les difficultés d'une partie de cette population d'après guerre. Elle initie une collaboration avec l'administration et les services sociaux. Elle introduit les psychothérapies et supervise l'équipe hospitalière.

Pour Myriam David, il paraît primordial de progresser dans la connaissance du bébé, de travailler en amont du placement, de former les accueillants, de lutter pour la stabilité des enfants, de développer d'autres moyens d'aide aux familles et surtout de faire circuler l'information à tous les niveaux.

En 1959, Serge Lebovici demande à Myriam David de travailler avec lui au centre Alfred Binet ; elle fonde en 1966 et dirige jusqu'en 1987 le placement familial de Soisy-sur-seine rattaché au centre et crée aussi en 1976 une unité de jour pour bébés et parents.

En 1962, soutenue par John Bowlby, elle mène avec Geneviève Appell, une recherche sur les placements d'enfants, en nourrice ou en institution (...) qui va confirmer d'une façon alarmante l'importance numérique des placements d'enfants, la gravité de leurs conséquences et l'ignorance généralisée de ces problèmes.

En 1970, Myriam David découvre les méthodes novatrices de l'Institut Pinckler à Lockzy. Emmi Pickler, pédiatre hongrois, fonde sa théorie sur le fait que "l'activité spontanée librement exercée par le bébé est une construction psychique élémentaire". Ainsi les enfants répartis en petits groupes selon leur âges vont être l'objet d'une attention particulière du personnel qui, d'une part, tend à développer l'autonomie pour construire un futur adulte créatif et responsable : les activités naissent de l'enfant lui-même afin qu'il l'investisse ; il est ainsi libre de tout mouvement, l'adulte assurant bien évidemment une surveillance protectrice et ne faisant qu'offrir à l'enfant des situations correspondant à son âge, du matériel à sa portée. Le personnel assure une relation affective privilégiée, individualisant les soins, restant toujours à portée de vue ou de voix des enfants. Myriam David note que l'activité joyeuse dans laquelle l'enfant s'investit réduit son besoin de contact tandis que l'attention donnée pendant les soins garantit un échange suffisant et indispensable pour ne pas tomber dans la carence affective. Il favorise chez l'enfant la prise de conscience de lui-même et de son environnement. Il prend enfin un soin particulier au bon état de santé de chaque enfant. L'organisation de cette institution n'a rien à voir avec un établissement hospitalier mais s'apparente plutôt à une "maison à caractère familial".

Myriam David sera une des premières à défendre cet institut avec qui elle collaborera régulièrement et à poursuivre une réflexion a partir de ces nouvelles données.

A travers ces quelques éléments biographiques (qui ne donnent qu'un petit aperçu de sa carrière), on peut aisément comprendre le changement radical que Myriam David a apporté à toutes les institutions qui s'occupent d'enfants, grâce comme l'avait souligné Bernard Golse, "à sa vision si humaine de la psychiatrie et de la psychanalyse de l'enfant".