Arthur Rimbaud n'a pas 17 ans lorsqu'il quitte l'ennui de Charleville-Mézières pour Paris. Dans ses poches, il emporte notamment le fameux "Bateau ivre", trouve à se loger chez Paul Verlaine qu'il admire et qui va le présenter à ses amis écrivains, médusés par sa précocité. Mais le "voleur de feu" ne tarde pas à semer le chaos tout d'abord au sein des époux Verlaine, à l'image de la Commune qui enflamme le pavé parisien : Paul est tellement ensorcelé par son protégé que sa femme demande la séparation en 1872.
A cause de son mépris affiché des convenances, Rimbaud est exclu du cénacle littéraire, se met en ménage avec Paul à Paris, avant que des disputes n'éclatent entre les amants. Verlaine veut alors rompre, va retrouver sa famille, mais Rimbaud, qui lui déclare ouvertement dans ses lettres son amour, l'oblige à céder, tous deux trouvent alors refuge à Bruxelles. L'enfer atteint de nouveau son paroxysme en juillet 1873 où Verlaine, ivre (dans tous les sens du terme), blesse d'un coup de revolver son amant. Verlaine est emprisonné autant à cause de ses sympathies politiques que de ses penchants.
De son côté, Rimbaud réussit à faire paraître "Une saison en enfer" dans le silence, puis à sa libération, le couple part en Allemagne. Il remet à Verlaine le manuscrit des "Illuminations" qui ne seront jamais publiées du vivant de son auteur. Fin 1875, leur rupture est définitive, Rimbaud fait ses adieux à la poésie et part vers l'Orient à Aden, en Somalie et au Harar (Ethiopie) où il devient négociant puis vendeur d'armes, avant de mourir auprès de sa sœur après un bref retour en France en 1891. Il ne reverra jamais Verlaine qui reste néanmoins le premier à avoir salué l'oeuvre de ce génie au visage d'enfant, et confesse jusqu'à sa propre disparition en 1896 être resté "fou" de celui qui s'est "maudit par lui-même".
Cent cinquante ans après leurs amours tumultueuses, il reste en mémoire moins le chaos de leur brève et orageuse liaison que le fracas de celui qui a voulu malmener la langue, le monde, et le cœur des hommes. Reposeront-ils un jour l'un à côté de l'autre ?