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Les coups de cœur des libraires

Coups de coeur Mollat
La croissance explosive de Berlin entre 1860 et 1910 a-t-elle favorisé la réception du nazisme ?
Analyser l’émergence d’une idéologie politique par le spectre d’une explosion urbaine peut sembler à première vue surprenant. C’est oublier l’exceptionnelle révolution anthropologique que constitue la modernisation urbaine au tournant des XIXe et XXe siècles se traduisant par des traumatismes bien réels. Berlin constitue en cela l’exemple européen le plus fascinant, à tel point que son développement suscite des débats passionnés et la curiosité des photographes, cinéastes et écrivains européens.

À travers une fine analyse des ressorts et des conséquences du gigantisme urbain berlinois, Stéphane Füzesséry se rapproche au plus près de l’expérience des habitants. Cette lecture nous plonge dans leur quotidien bouleversé par l’usage de nouveaux transports, par la diversité des lieux de sociabilités, par les rencontres avec les inconnus du métro, par la dangerosité de la rue embouteillée ainsi que les tensions sur l’approvisionnement en nourriture et les évolutions du marché de l’emploi. Tout un panel de nouvelles sensations et de tensions qui perturbent la « vie de l’esprit » comme l’analyse très tôt le sociologue allemand Georg Simmel et qui amènent du ressentiment, du rejet et de la crainte.

Ces évolutions importantes qui marquent une rupture avec l’urbanité traditionnelle allemande sont pour beaucoup un « désenchantement » (La modernité désenchantée, E. Fureix et F. Jarrige). Les nazis vont se faire les grands pourfendeurs de la mégalopole en capitalisant sur les ressentiments, d’autant plus que la crise économique frappe l’Allemagne de plein fouet au tournant des années 30.

Arrivés au pouvoir ils vont pourtant prendre le chemin inverse en imaginant Germania, « un projet de démolition-reconstruction de la capitale du Reich à une échelle qui n’a guère d’équivalent dans l’histoire de l’urbanisme occidental ». Jusqu’à la destruction de la ville par les bombes alliées dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Berlin connaît donc déjà d’immenses bouleversements.

À la lecture de cet ouvrage de Stéphane Füzesséry, on est parfois surpris à se questionner sur notre vie citadine au XXIe siècle, sur nos manières de vivre en ville, sur nos rapports aux autres dans les espaces de sociabilité. Elle pose la question du progrès technologique, du stress urbain, de l’accélération de la vie, de la surpopulation et du contrôle politique des esprits. Une étude magistrale qui renouvelle grandement l'historiographie !
La destruction de Berlin : de l'explosion urbaine à Germania (1860-1945)
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Partez à la découverte de New York !
Ville de tous les possibles, New York en fait rêver plus d'un. En changement constant, elle nous fait toujours autant rêver mais ne reste jamais la même. D'un côté ville réelle avec ses habitants toujours en mouvement, de l'autre un New York imaginaire, celui de l'art qu'on admire tant. Entre cinéma, musique et littérature, on pourrait presque palper une tension entre imaginaire et réel. Catherine Lacey nous dresse un portrait honnête d'une ville dans laquelle elle a vécu des années, avec ses bons côtés mais également ses mauvais. 

Dévoilé autour de cinq itinéraires, l'ouvrage mélange récit de voyage et guide touristique, pour nous donner envie de partir découvrir la ville qui ne dort jamais..

New York contre New York
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Dans ce recueil qui vient de paraître en format poche, Hortense Raynal tente de définir ce qu’est la poésie, à quoi elle sert, et sa réponse peut dérouter plus d’un lecteur !
Sous sa plume, la poésie n’est pas un enjolivement de la réalité mais au contraire une mise à nu de celle-ci, quitte à révéler ce qui est passé d’ordinaire sous silence et à bousculer sans intention provocatrice :

“ tu salives de poésie. c’est goûtu, tu baves, ça dégouline”

A rebours des clichés, Hortense Raynal interroge la matière même de ce genre qu’elle n’hésite pas à qualifier de manière crue de joyeux “fumier” du corps et des sens.
Elle use d’une langue organique, charnelle, terreuse et fiévreuse pour en dire toutes les saveurs et les pulsations, sans langue de bois ni détours :

“ parfois faire un poème c’est comme faire les poubelles.     ça schlingue la poésie     en vrai ça sent, c’est pas neutre”

“ t’as une bouche-fumier    montage de fumier bien odorant, et ton rôle, oui ton rôle, c’est de faire en sorte que personne se bouche le nez”

Dans la lignée de Ghérasim Luca ou de Christophe Tarkos, la poétesse et performeuse (ses textes se prêtent parfaitement à une mise en voix) fait swinguer et suinter le verbe. “Acrobate”, elle nous invite alors “à se contorsionner et faire se contorsionner les mots” pour explorer toutes les marges et faire jaillir une voix singulière et détonnante dans le paysage poétique actuel :

“la poésie : peur pas rassurante (...) le visage de la poétesse qui plonge dans le gouffre des mots, dans le sac de mots qui font peur. qui sont jamais utilisés. et son devoir c’est de les jeter à la face des autres ces pauvres petits mots pauvres petits, hideux, hideux. et si vous aussi pour une fois vous alliez dans le grand sac noir des mots ?”
Bouche-fumier
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Une île, deux hommes, et au milieu : le langage
Nous sommes en 1843, sur une île isolée au nord de l’Écosse alors frappée par les Highland Clearances, ces évictions massives qui condamnent les paysans à l’exil au profit de riches propriétaires et de leur bétail. Ivar, dernier gardien d’un monde en train de s’effacer, recueille un inconnu trouvé inconscient sur la plage : John Ferguson, pasteur et agent d’expulsion, envoyé sans le lui dire pour le déraciner à son tour.

Ce qui se joue alors n’est pas seulement un affrontement, mais la naissance fragile d’un lien entre deux hommes que tout sépare : leur histoire, leur mission, leur langue même, car Ivar ne parle qu’un dialecte en voie de disparition. C'est ce langage, à travers l’apprentissage patient des mots et des regards, qui deviendra le socle d'une relation inattendue.

Carys Davies peint la rudesse du paysage écossais et la violence sociale avec un style d’une rare concision, capable de transmettre, en peu de mots et par de puissantes images, toute la complexité des émotions et des situations. Sa plume évocatrice saisit la tendresse sous-jacente, la tension historique et la poésie du quotidien. "Éclaircie" est un hymne à la dignité, à la mémoire et à la fragile beauté du langage, ce pont éphémère entre les hommes.
Eclaircie
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Un essai percutant qui nous invite à prendre conscience des inégalités, nous questionne sur le rapport au vivant et nous invite à considérer la nature comme un véritable enjeu de société.
"De nombreux psychologues du développement soulignent la grande diversité des possibilités d'actions qu'offrirait la nature, ce qui lui conférerait une richesse éducative intrinsèque, parfois opposée au caractère "pauvre" ou "préformaté" des jouets et supports éducatifs artificiels."

Issu de sa thèse de 2023, l'ouvrage de Julien Vitores, sociologue, analyse de manière accessible et documentée le rapport de l'enfant à la nature, en le corrélant à son capital économique et culturel, son origine géographique et son genre.

L'auteur nous immerge dans un livre passionnant et instructif, résultat d'une enquête de terrain réalisée de 2019 à 2021 auprès d'enfants de trois à six ans et de leurs parents, dans différents environnements sociaux : une école privée aisée en région parisienne, une école publique en zone d'éducation prioritaire et une école maternelle en zone rurale du sud de la France.

A travers ses observations, l'analyse de dessins d'enfants, des jeux et des entretiens avec les élèves, les parents et les enseignants, Julien Vitores nous montre comment la relation à la nature est façonnée par le milieu social dans lequel nous évoluons.

"C'est parfois l'école, à l'occasion de la classe de découverte organisée en grande section, ou des structures associatives de proximité, qui offrent aux enfants de classes populaires leurs premières découvertes de certains espaces naturels."

Source de bien-être, de découvertes, d'émerveillement, de dépassement de soi pour les uns ; lieu de dangers (insectes, animaux..), d'activités récréatives ou utilitaires pour d'autres ; la nature est différemment perçue selon nos origines sociales. Ces divergences reflètent des valeurs et des modes de vie propres à chaque groupe social. Elles donnent à réfléchir sur les inégalités d'accès à la nature, le rôle crucial de l'école et la nécessité d'une réponse politique aux défis environnementaux et sociétaux qui en découlent.

"Des choix politiques raisonnés s'imposent pour lutter à la fois contre la reproduction sociale et contre les injustices environnementales. A défaut, on risque de repeindre en vert un monde toujours plus inégalitaire."

Un essai sociologique pour comprendre que l'accès à la nature est loin d'être un privilège universel. Une lecture essentielle pour repenser notre rapport au vivant.
La nature à hauteur d'enfants : socialisations écologiques et genèse des inégalités
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Un texte subtil sur l'ambiguïté du rôle de l'argent au sein de nos relations.
Rika devient rapidement l'une des meilleurs employés d'une banque de quartier à Tokyo. Mais, elle noue petit à petit un rapport malsain à son argent, qui est tabou et dénigré au sein de son couple. Inconsciemment, et presque innocemment, elle tombe dans le détournement de fonds.

D'anciens proches, aux situations familiales et financières variées, sont choqués par ce scandale. Ils s'interrogent sur leur propre rapport à l'argent, allant de l'indépendance libératrice à l'obsession du manque, et sur son impact dans leur vie de famille.
Lune de papier
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Un roman post-apocalyptique original à lire dès 14 ans !
Dans ce monde d'Après, dévasté et encore particulièrement instable, Sauterelle désespère de trouver sa place et tente de dessiner les contours d'un avenir des plus incertains. Sa détermination, les bonnes rencontres qu'elle fera sur son chemin et surtout, son chien Diego, seront des alliés de taille dans sa quête de liberté et de vérité. Un roman palpitant, riche en rebondissements dont l'intrigue est superbement bien menée et portée par une héroïne attachante !
Helter Skelter : la fille du bout du monde
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Un conte maléfique et féministe à dévorer dès 14 ans !
Dans ce roman, Ondine, la fille du terrible roi Igor, arrive en âge de se marier. Tenue à l'écart du monde depuis toujours, elle est rêveuse, ingénue et particulièrement docile. Mais l'inéluctable approchant, elle commence à entrevoir la vie que son père, assoiffé de pouvoir a imaginé, pour elle. Ayant entraperçu la vraie vie qui pourrait s'offrir à elle, elle s'imagine de plus en plus échapper à sa vie faite de convenances. Un conte maléfique et féministe qui se dévore !
La nuit des treize plumes
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Face à notre impuissance politique, il nous faut retrouver de l'espoir et de l'agentivité: et si nous commencions avec "La bataille culturelle", le dernier essai de Blanche Sabbah ?
Au travers de notre actualité politique et de quelques exemples tirés de la culture populaire, elle s'intéresse à la construction des récits et des schémas qui structurent nos imaginaires, nos représentations, avec une ligne de mire : "Tenir bon", ouvrir à de nouvelles narrations, réhabiliter d'autres voix face à l'hégémonie culturelle et aux discours dominants. Elle nous enjoint donc à cultiver de nouveaux récits de solidarités, à (se) mobiliser par l'art, l'émotion, l'empathie - porter des contres-récits, ne pas rester figés, cultiver la joie : autant de directions qui, collectivement, permettent de sortir du "À quoi bon ?" pour imaginer des voies de résistances, des lignes de fuites et de nouveaux horizons. C'est en cela que la "bataille culturelle" est nécessaire : pour réenchanter l'avenir, faire advenir une véritable culture de l'échange, de la convergence, de la joie... contre l'immobilisme et l'austérité.

Un essai drôle et tout en couleurs qui invite à rester en mouvement, faire appel au sensible et valoriser de nouveaux récits, et qui rend hommage à la culture comme levier de transformation du monde. En cinq chapitres, une joyeuse arme intellectuelle pour qui aime réflechir, et surtout : réfléchir en commun.
La bataille culturelle
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Un premier roman "sensas" !
Rosalie, du haut de ses huit ans, éprouve un mal qu'elle peine à nommer, son quotidien ne l'enchante guère, tout y est triste et futile. Mais lorsqu'un matin, elle se réveille affublée de la moustache de Jean Rochefort, c'est un nouveau souffle qui l'anime.
Laissez-vous embarquer par ce texte enchanteur et décalé, les personnages et situations absurdes et touchantes !
J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort
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Pour tout ceux qui aiment recevoir et faire plaisir autour de la table.
Du brunch entre amis aux repas de fête, des buffets d'été aux soirées au coin du feu, en passant par les anniversaires ou les repas improvisés, ce livre couvre tous les moments gourmands autour de la table. 

Chaque chapitre présente des recettes simples et généreuses, conçues pour s'adapter au nombre de convives et mettre en lumière les produits de saison et de terroir.
Menus complets, idées de plats à partager et inspirations variées y facilitent l'organisation tout en cultivant l'art de recevoir.

Un véritable allié pour ceux qui aiment cuisiner et rassembler autour de moments chaleureux.
Petites, moyennes et grandes tablées
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L'histoire fascinante de la publication d'un livre... qui n'existe pas.

Une affaire de famille

Nietzsche (et par extension son œuvre) n'a jamais cessé de fasciner et d'être le sujet d'ambitieux travaux éditoriaux. Rassemblés, commentés et présentés, ces recueils sont autant de manières d'aborder et d'expliquer la pensée nietzschéenne. Et s'il n'est pas rare de voir ces rééditions accompagnées de nouvelles interprétations, il est beaucoup plus surprenant de découvrir un texte proprement frauduleux. Et pourtant, cette contrefaçon existe belle et bien, et si elle provoque encore les débats, La volonté de puissance est encore éditée et disponible.

C'est en 1901 que la première édition de La volonté de puissance est publiée. Mis en place par Peter Gast et Elisabeth Förster-Nietzsche (la sœur du philosophe, qui fournit les différents feuillets utilisés pour le livre), ce premier recueil est vendu par ses éditeurs comme le philosophème, la somme de la pensée de l'auteur allemand. Assemblé avec les brouillons d'un projet de livre abandonné (qui alimente finalement des morceaux du Crépuscule des idoles et de L'Antéchrist), le manque de teneur scientifique de ce livre est, dès sa première parution, remarquée par les philologues, ce qui n'empêchera pas La volonté de puissance d'être régulièrement réédité, remanié, chaque version s'éloignant à chaque fois plus de la vérité.

La volonté de puissance, un vrai faux livre

Cette imposture, Mazzino Montinari, spécialiste italien du travail de Nietzsche, l'a remarqué, et en a fait le sujet principal de quatre courts essais, réunis par les éditions de l'Éclat dans La volonté de puissance n'existe pas. Recueil brillant et fascinant, l'auteur retrace ici l'histoire de l'assemblage de ces textes mais aussi des différentes mésinterprétations et affiliations erronées de la pensée nietzschéenne qu'il a pu provoquer. Ayant lui aussi participé à l'édition de certaines des plus grandes œuvres du philosophe, les faits rapportés tiennent presque du témoignage, et le récit de la mise au monde de ce texte qui n'existe pas surprend de par son absurdité.

Loin de n'être qu'une attaque vaine, La volonté de puissance n'existe pas est un plaidoyer pour la lecture et la découverte de l'œuvre de Nietzsche. Précis et pourtant accessible, voici un livre éclairé et éclairant qui trouve son meilleur conseil en conclusion en nous rappelant qu'il faut laisser tomber les ramassis mal conçus, les vieux faux éditoriaux : il n'y a là rien à apprendre.
La volonté de puissance n'existe pas
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