Tout commence en Pologne dans les années 1950, quand Nina et Pola donnent naissance à quelques heures d'intervalle à une fille et un garçon, Ewa et Adam. De cette rencontre, naîtra une amitié entre elles et leurs époux, puis viennent s'ajouter Sabina et sa fille Monika, puis Heniek avec sa femme et ses fils. Dans des appartements minuscules, des soirées entières se passent entre les fumées de cigarettes et les verres de vodka, à refaire le monde en rêvant d'une Pologne libre, tandis que les enfants jouent dans la cour de l'immeuble. Ce qui n'est pas dit mais tracé en filigrane, ce sont les trous laissés par la Shoah dans chacune de leurs histoires, ce sont les idéaux grandioses de leurs parents sur le communisme qui vacillent à la mort de Staline, ce sont les interrogations des enfants auxquelles ils n'ont pas de réponses.
Quand vient mars 1968, où des manifestations étudiantes éclatent pour réclamer plus de libertés, une abolition de la censure et notamment une scission avec l'URSS, le gourvernement polonais accuse les sionistes et déclare que les Juifs n'ont pas leur place en Pologne. Vient alors le temps de partir pour nos quatre familles, étonnées de ce rejet alors qu'elles sont chez elles. Les uns choisissent Israël, les autres les Etats-Unis ou le Canada. De leur dernière photo où ils posent tous ensemble, peut-être que l'une d'entre eux parviendra à les raconter, des années plus tard...
Dans ce roman, Agnès Gruda sonde les mille et uns déracinements causés par l'exil, que ce soit l'apprentissage d'une nouvelle langue et le glissement progressif vers une autre culture. Avec toujours, les questions qui hantent les premières générations d'exilés : que transmettons-nous à nos enfants ? Que leur laissons-nous, quand leur propre pays les a déclarés apatrides ? Comment les aider à se reconstruire ? Dans un subtil jeu de miroir entre nos quinze personnages, se déroule plus de cinquante ans d'histoire et de destins entremêlés aux changements politiques. Ce qu'ils ont tous en commun, en revanche, c'est cette volonté de trouver sa place dans le monde.