Un reportage sur les pionnères de l'architecture d'intérieur
Jane Hall, journaliste et historienne de l'architecture, signe une enquête envoûtante qui révèle comment des femmes ont redessiné les contours de l'intime. C'est un véritable manifeste visuel où l'élégance se fait arme de subversion. "Un espace à soi" , clin d'œil au pamphlet de Virginia Woolf, n'est pas qu'un recueil d'images : c'est un reportage vivant sur ces pionnières qui, dès 1900, ont infiltré les salons et les studios pour y insuffler une certaine liberté, loin des dogmes masculins.
On y suit Eileen Gray, exilée irlandaise à Paris, qui, dans les années 1920, sculpte des meubles comme des manifestes, le fameux fauteuil Bibendum, courbe rebelle contre les lignes raides du modernisme. On y croise Charlotte Perriand, infiltrée chez Le Corbusier en 1927, qui négocie son espace en semant des touches organiques, des "jardins d'hiver" qui défient le béton froid. On peut sourire devant les agencements chics de Kelly Wearsler ou les surcharges de differents verts chez Elsie De Wolfe, ces femmes ont tout réinventé: la lumière caressant l'espace, les matériaux qui racontent des histoires et même la durabilité des objets.
À travers des entretiens rares, des croquis jaunis et des photos d'époque, l'autrice dépeint une galerie de portraits où intime rime avec insurrection . Une utopie égalitaire découle de cette "déco féminine", terme quelque peu méprisant souvent rencontré dans les revues de l'époque. Chaque chapitre, tel un article d'investigation, montre comment ces architectes ont contourné les interdits, transformant la cuisine en laboratoire, le salon en forum.
Ce superbe livre est un voyage sans contrainte à travers les mondes intérieurs de ces créatrices. Ces intérieurs justement qui ne se contentent pas d'exister, ils pulsent et respirent.