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L'écologie est-elle un humanisme ?

Publié le 06/11/2013
Dossier de Timothée Duverger, doctorant en histoire contemporaine à l'Université Michel de Montaigne
La question paraîtra incongrue à certains. Pourtant, d'autres, à l'instar de Luc Ferry, voient dans l'écologie une idéologie brune, qui porte en elle les germes d'une dérive anti-humaniste. Ces différentes analyses et perceptions de l'écologie s'expliquent par son essence même. L'écologie est en effet une unité plurielle.

Unité dans le constat d'une dégradation par l'homme de son environnement. À la source, avec la raréfaction des ressources naturelles, capital dilapidé par l'économie qui cherche à accroître sans cesse son emprise sur le monde. En fin de cycle, avec l'économie du gaspillage, les déchets et la pollution. Entre les deux, avec une humanité asservie au règne marchand et à la technique, épuisée au travail, alimentée par la malbouffe, aliénée jusque dans ses loisirs. L'écologie est d'abord le signe d'une crise de la modernité. Pluralité dans ses formes de réalisation. Quoi de semblable entre l'écologie profonde qui met la nature au centre, c'est-à-dire renverse le rapport entre l'homme et son environnement, et l'écologie sociale qui tente de transformer la société ? Il faut faire le pari humaniste de l'écologie, ne pas se replier sur soi ou verser dans la division (en nous souvenant de l'étymologie du mot diable : « ce qui divise »), mais au contraire rassembler ce qui est épars, ne pas nier les points de tension, mais toujours chercher à les dénouer, pour les dépasser et aller plus loin.

La méthode est double. À la fois travail sur soi, dans son for intérieur, et travail à l'extérieur dans la relation à l'autre, selon un mouvement de va-et-vient constant permettant de sculpter sa propre subjectivité en même temps que le monde alentour.
L'écologie est ainsi d'abord à vivre. La simplicité volontaire vise à mettre en conformité sa vie avec ses valeurs, en l'occurrence en « simplifiant », c'est-à-dire éliminant une à une toutes les aspérités, les servitudes, les médiations techniques qui empêchent l'être de s'accomplir pleinement, en recherchant une vie saine (la « slow attitude ») à défaut d'être sainte. C'est une sagesse, portée en France par Pierre Rabhi, qui trouve sa source dans la spiritualité gandhienne et recherche sa vérité à travers la sobriété, véritable expression de soi, puisque l'autonomie, étymologiquement, consiste à s'assigner ses propres limites. Mais c'est à un ascétisme joyeux qu'invite la simplicité volontaire. Le sinistre est une perversion, sa forme pathologique. La simplicité doit bien plutôt multiplier les occasions de jubilation, de rencontres. C'est une expérimentation de la bonne vie. Sa devise : « moins de biens, plus de liens ». L'écologie est donc une force subversive. Car, sous couvert de protection de la nature, elle trace la voie d'une vie plus harmonieuse. Cette vie « exemplaire » peut ne pas s'occuper de la société, se contenter de constituer un îlot préservé. Mais elle peut aussi s'attaquer au chantier de la transformation sociale. Le mouvement de la décroissance qui a surgi au début des années 2000 notamment autour des idées de Serge Latouche, se propose de « décoloniser les imaginaires » imprégnés d'économisme pour générer une société du bien-vivre. Les alternatives fourmillent, des expériences de l'économie solidaire (AMAP, SEL, etc.) à celles des villes en transition, en passant par celles émergentes de l'économie collaborative qui tente de concilier Internet avec des valeurs de sobriété et de partage. Et elles infusent la société, démontrant au quotidien qu'une bifurcation est possible et en cours.

L'écologie est donc la quête d'un autre monde autonome et solidaire. Une quête de sens pour « rallumer les étoiles » après leur extinction par la froide rationalité économique. Un nouvel humanisme. Bonus vidéo en complément du dossier : Rencontre avec Pierre Rabhi le 24 septembre 2013 au cinéma Utopia autour du film "Au nom de la terre" réalisé par Marie-Dominique Dhelsing.










Pierre Rabhi

Serge Latouche

On ralentit...

On tente de survivre

On recycle

On mange

On consomme différemment