Un coup de coeur de Mollat
Aussi candide qu'il soit, notre jeune Franz comprend vite comment faire tourner le magasin : se tenir au courant des dernières actualités en lisant la presse le matin et connaître la saveur d'un bon cigare sans pour autant être fumeur. Dans son petit commerce, il fera la connaissance d'un éminent personnage : Sigmund Freud. Comment cet intellectuel de génie peut-il s'enticher d'un jeune homme qui n'entend rien du tout à la psychologie ? Certaines questions n'ont pas besoin de réponse et chacun profite de la compagnie agréable de l'autre. L'un trouve une oreille attentive et désireuse de comprendre ce qui l'entoure, l'autre se découvre un nouveau projet : maintenant qu'il a appris à travailler, il doit connaître l'amour. Si comme le disait Rimbaud « on n'est pas sérieux quand on a 17 ans », les sentiments de Franz pour Anezka le sont. Il connaîtra alors la maladie de tous les amoureux : ce serrement de gorge quand elle n'est pas là, cette petite douleur au ventre quand il sera sur le point de la revoir, ce désir immodéré de mieux la connaître spirituellement et physiquement…
Malgré ce portrait de vie en apparence idyllique, il ne faut pas oublier la période dans laquelle se situe l'action et les nazis qui sont de plus en plus présents dans les rues de Vienne. Franz n'entend rien aux actes de ces gens ou à leur idéologie. Il porte sur eux un regard intrigué sans pourtant se défaire de ses convictions durant cette période où il est dangereux d'en avoir.
L'air de rien, ce petit livre qu'est Le tabac Tresniek s'impose comme l'un des plus profonds de cette fin d'année et si nous prenons plaisir à voir grandir le jeune Franz, au final c'est lui qui nous instruit au point de vouloir le suivre sous son étendard et faire de ses rêves les nôtres.