Un coup de coeur de Mollat
En ce premier trimestre 2007, saluons la qualité de la livraison poche, que l'on peut attribuer en grande partie à la collection Babel. Parmi eux figurent le très engagé American Darling de Russell Banks, l'objet littéraire non identifié La dame N°13 de José Carlos Somoza, ou encore l'hawthornien Madame Wakefield d'Eduardo Berti. Entre également dans la danse le premier roman d'Albert Sanchez Piñol, La peau froide, certainement le roman le plus troublant de ces derniers mois.
Le narrateur, un jeune climatologue qui désire échapper au monde, accepte une mission sur un îlot perdu de l'Atlantique sud, le genre d'endroit glauque à souhait où personne ne voudrait passer ses vacances. Son besoin de solitude va être troublé par la présence du gardien du phare, homme violent, obtus et, il faut bien l'avouer, profondément dérangé. Malgré leur répugnance réciproque, ils vont devoir s'unir face à la plus improbable des menaces : l'attaque d'étranges créatures marines qui déferlent chaque nuit toujours plus nombreuses. Mais cette situation devient des plus sordides quand notre jeune héros apprend que son compagnon d'infortune se sert d'une de ces créatures comme d'un exutoire sexuel. Finalement, dans ce huis-clos malsain, on ne sait plus où se trouve la frontière entre l'homme et l'animal.
Avec cette fable aux limites de la folie, à la fois fantastique, psychologique et philosophique, l'auteur nous offre un regard dérangeant et fort sur la condition humaine. Vous lirez forcément ces 260 pages d'une traite, comme pour en finir au plus vite avec cet univers inquiétant, mais aussi avec une jubilation certaine, happés par un suspense qui n'a rien à envier à Stephen King ou Lovecraft. En un mot : efficace.