Un coup de coeur de Mollat
En effet, à cette époque-là, les autorités locales souhaitent alors un nouvel aéroport près de Nantes pour anticiper l'explosion du trafic aérien et concurrencer les aéroports parisiens sur les voyages « supersoniques ». Notre- Dame-Des-Landes devient alors une ZAD (Zone d'Aménagement Différé), permettant la préemption des terrains par le département. Une résistance s'organise mais l'avenir supersonique s'avère être un mirage et le projet dort dans les cartons jusque dans les années 2000 où il refait surface avec de nouvelles motivations tout aussi « incontestables » que 30 ans auparavant. La lutte se durcit face au manque de transparence, aux expertises douteuses, aux appétits de la multinationale Vinci et surtout à un déni de dialogue et de débat.
Hervé Kempf suit l'affaire depuis des années pour le journal Le Monde, ce qui lui coûtera d'ailleurs sa place. Désormais journaliste à Reporterre, « quotidien de l'écologie », il nous livre un ouvrage au plus près des opposants qui pour certains ont une méfiance viscérale des médias. Notre-Dame-Des-Landes résiste grâce à un agglomérat de personnes aux parcours divers et aux motivations parfois divergentes : paysans propriétaires terriens, militants écologistes,
décroissants expérimentant une sortie du capitalisme, marginaux sans attaches. Les tensions sont réelles mais leur complémentarité fait étonnamment bloc. La ZAD a acquis ainsi une force de rébellion incroyablement fédératrice et réactive.
Hervé Kempf semble avoir choisi son camp : il propose pourtant bien plus qu'un livre d'actualité ou d'opinion : il explore une tentative de débat démocratique, la volonté de réaffirmer le rôle du citoyen face à un État, dont on déplore l'impuissance lors des enjeux mondiaux, mais qui sait se montrer implacable avec ses administrés.