Un coup de coeur de Mollat
Avec L'Amérique – Chroniques, Didion nous parle de l'Amérique qu'elle connaît. De la côte ouest des années 60 à la côte est des années 90, elle parcourt, en long en large, son continent qui change beaucoup et mute souvent de manière incompréhensible pour ses concitoyens. Le regard de Didion est d'abord simplement observateur, le génie de cette observation réside dans son immense lucidité. Lorsqu'elle raconte les mouvements sociaux à San Francisco, les révoltes étudiantes, la multiplication des hippies ou encore l'émergence des Black Panthers ; à chaque fois, son œil est précis, sage. Joan Didion se tient à distance respectable des gens et des faits qui se déroulent devant elle. Cette distance, d'ailleurs, est le propos de plusieurs passages de son récit, passages plus personnels mais tous aussi objectifs, où l'auteur nous raconte ses grandes phases de dépressions chroniques dont elle souffrira des années encore.
A la manière des Grands de la littérature ; de cette littérature que Truman Capote appela la non-fiction et dont il se proclama roi, Joan Didion perçoit l'essentiel, le profond et le tragique d'une nation et de ses enfants désillusionnés. Elle, qui pense faire partie de la « dernière génération à s'identifier à l'âge adulte » ne semble pourtant avancer sereinement dans l'existence. On perçoit dans ces Chroniques ce sentiment d'errances propre aux générations américaines de la fin des années 50. Ces égarement l'auront conduites entre San Francisco et ses hippies, Los Angeles et sa folie et New York et sa paranoïa. Un livre remarquable.