Un coup de coeur de Mollat
C'est cette grande lucidité qui rend le personnage de Koula si bouleversant : Koula n'attend rien, son attachement à Mimis est progressif, presque maternel (peut-être est-il le fils qu'elle n'a pas eu ?), et pourtant il va bientôt lui devenir indispensable, comme une drogue qui se diffuse lentement. Leurs rencontres furtives se déroulent toujours en sous-sol, le métro, bien sûr, mais aussi le bar où Mimis a ses habitudes, et surtout sa chambre qui tient plutôt de la garçonnière où ce charmant jeune homme ramène ses conquêtes.
C'est une histoire souterraine, sans horizon, mais c'est aussi ce qui la rend plus intense pour chacun d'eux, même si pour Mimis, la rencontre tient plutôt de l'expérience.Il ne cherche d'ailleurs pas à la prolonger. Pour Koula, en revanche, cette parenthèse amoureuse sera l'occasion de faire le bilan de sa vie : mariée à un homme qu'elle n'a jamais désiré, mère de deux filles avec lesquelles elle ne partage pas grand-chose, exerçant un métier peu passionnant, elle puise dans cette histoire la force de rebondir ou tout simplement de continuer sa vie d'avant .
Même si la fin de l'aventure n'est pas dénuée de mélancolie, voire d'amertume, Koula en ressort changée et grandie.
Ménis Koumandaréas a écrit ce beau texte où chaque mot est à sa place en 1978, et pourtant il reste tout à fait actuel. L'absence de décor et d'évènement périphérique le rend intemporel, de même l'attention portée aux deux personnages principaux, et ce aux dépens du monde extérieur. La limpidité du récit n'empêche pas la complexité des sentiments qui se tissent peu à peu . Il s'agit bien d'une histoire d'amour débarrassée de tout ce qui pourrait conduire à un jugement moral, où l'adultère reste secondaire et n'a finalement que peu d'importance. Il reste l'image de Koula, lumineuse et sensible, qui continue longtemps d'habiter le lecteur.