Un coup de coeur de Mollat
Le poème est impossible. Impossible à dire, à raconter, à transmettre. Chacun doit consciemment s'y perdre, s'y fourvoyer, s'y noyer afin de le "renaître".
Sa présence nous entraîne vers des territoires où le rêve et la réalité se mélangent , où le poète nous révèle une parole, un nouveau langage, un silence, un chemin étoilé de mots lumineux.
C'est en ce lieu qu'avance Georges-Emmanuel Clancier, en éclaireur, tissant la trame de son œuvre du fil de soie des voix, brodant sur un même métier : le bonheur perdu de l'enfance, la terre et le temps, le paysage et son battement entre ordre et chaos, les herbes et la respiration.
Du Paysan céleste (1943) à Notre part d'or et d'ombre (1950-2000), toute la vie d'un homme se déroule, où le murmure d'une fin annoncée s'invite, ouvrant un espace nouveau à la voix, aux songes des mots :
Cela s'appelle la mort/Pourquoi pas l'amour, ou le jour, ou le fort ?
Toute la vie d'un poète aux alliances perpétuelles avec les astres flamboyants et la nuit obscure, avec la rive d'où il veille et le fleuve qui l'entraîne :
Entre la brume voluptueuse et l'ardeur sèche/Oscillante parole entre île et jeu/Entre il et je.
Toujours à la poursuite de la vérité, G.-E. Clancier essaie le désordre, remet en question la parole : Ou bien dirais-je que dans le vent/D'automne un cheval s'effeuillait/Que les parfums fendaient les flots/Au risque d'échouer sur les fleurs ? et se reprend au-delà du verbe, en faux magicien du vocable, afin de s'ancrer plus que jamais dans la réalité.
Celle de la vraie vie, douce et fatale, qui chante un arbre sans nom, dépouillé, noir et nu tel un épouvantail, à l'image du poète qui hier sauvait le monde et l'amour et aujourd'hui déploie pour nous l'immensité totale de vivre dans la rumeur menue des oiseaux.