Un coup de coeur de Mollat
Les limbes désignaient selon les premiers théologiens chrétiens un lieu transitoire entre l'enfer et le paradis servant à accueillir les enfants morts sans baptême. La question a été longuement débattue au fil des siècles, de Saint Augustin à Saint Thomas d'Aquin, et s'est nuancée jusqu'aux débats de la bioéthique contemporaine.
L'enfant mort sans baptême peut-il accéder au paradis ? Car s'il est vierge de tout péché, pourquoi irait-il en enfer ? Faut-il tenir compte, comme le pensait Saint Augustin, du « péché originel » qui condamne l'homme dès la naissance ?
L'invention des limbes au Moyen-Age, ce « lieu intermédiaire en bordure de l'enfer destiné à accueillir ces êtres qui étaient morts avec le péché originel seulement », a permis d'imaginer une réponse à ces questions.
« Limbus signifie lisière, frange, bordure. Mais paradoxalement, les limbes sont aujourd'hui partout. Nul n'y échappe ». C'est là le constat de l'auteur, qu'il décline élégamment au fil des pages, comme autant de courtes méditations philosophiques et poétiques. L'habitant des limbes, c'est l'homme de la postmodernité qui, comme l'enfant mort prématurément, réside entre l'enfer et le paradis, dans un non-lieu absurde ou temps et espace sont dissolus. « Et comment sortir d'un non-lieu si rien n'a lieu ? ».
Le désenchantement du monde a fait de l'homme sans croyance un être incapable de se réinventer et les aléas du progrès technologique l'ont peu à peu dépourvu de sa signification, de son histoire, de son contexte.
Dans cette plongée dans l'univers nébuleux des limbes, on se promène avec bonheur au hasard des évocations littéraires, poétiques et théologiques de l'auteur. De L'enfer de Dante à celui de Rimbaud, du sommeil du Christ aux errances existentielles de l'homme du 21eme siècle, c'est un voyage fascinant auquel nous invite l'inclassable Robert Scholtus.