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Un coup de coeur de Mollat
Humour noir sur fond blanc ou comment rire de tout en trois coups de crayon.
Ah l'Islande !...terre fertile qui vit naître les sublimes sagas, terre magique et volcanique d'où les arbres sont absents, terre de haute culture où l'on compte le plus grand nombre d'écrivains au km2 (et Björk qui crie dans son coin avec génie). Ah l'Islande ! sa crise monstrueuse, ses 4x4 immobilisés pour cause de ruine subite, son coût de la vie exorbitant, son climat épouvantable…On connaissait tout cela, et aussi cet Indridason qui nous glace le sang avec ses polars sans la moindre once d'humour. Désormais il vous faudra compter avec l'atroce Hugleikur Dagsson (un prénom pareil a de quoi rendre passablement énervé) dont Sonatine, maison qui aime la vie en noir, vient d'éditer un recueil de dessins humoristiques d'une telle drôlerie mais aussi d'une telle noirceur que nous n'avons pas osé en faire des posters pour mettre derrière les caisses de peur d'épouvanter nos vieilles dames. Evoquer par des mots ce genre de livres où l'image vous rentre dedans sans prévenir relève au mieux de la gageure, au pire de l'exercice de style, on vous épargnera donc des considérations sur l'infinie profondeur morbide de Dagsson (un infini à portée de caniche bien entendu), son goût immodéré pour la méchanceté lapidaire, son trait ultra-minimaliste, son flirt permanent avec le mauvais goût le plus abouti (du sang, du scatologique, du sexe), en vous invitant à rire comme des bossus en tournant les pages de ce livre définitivement insolent. On vous l'avoue, on se marre sans précaution en le parcourant et puis on le referme aussitôt de peur d'avoir été remarqué par une femme vertueuse, un enfant innocent (ça existe ?) ou un abbé caché derrière un pilier. On s'en veut un instant d'avoir ri à tant d'horreur et puis c'est comme tous les plaisirs, on y revient, en douce, pas très sûr de soi. On se rassure (comme on peut) en se disant qu'un best-seller islandais peut passer pour du dernier chic même si le chic est carrément exclu de ces 190 pages hilarantes. Après tout, le monde ne nous épargnant guère, on a le droit de s'en venger quelques instants avec Dagsson le cruel.