Un coup de coeur de Mollat
La nouvelle livraison de Craig Holden nous réserve encore son lot de surprises. Après la « Route pour l'enfer », thriller initiatique classique, le formidable « Les quatre coins de la nuit », suspense psychologique surprenant, puis « Lady jazz », soit la relecture d'un fait divers ayant secoué l'année 1927 (en pleine prohibition), Holden continue brillamment son exploration des nombreuses nuances du roman policier.
Avec la Fille de Narcisse, il ne déroge pas à cette règle, et nous propose un roman noir qui semble d'un classicisme à toute épreuve : une vengeance passée, un retour sur soi, voire une douloureuse prise de conscience...
Le narrateur, Syd Redding, étudiant en médecine, ourdit un complot afin de se venger. Toute la subtilité de ce roman réside là, dans cette histoire racontée au passé, révolue, mais qui hante encore Syd. Tout commence alors que Syd accepte, pour financer ses études, un poste de nuit dans la clinique de Ted Kessler, médecin doté d'un charisme déroutant, d'une prothèse à la main (fruit de la guerre de Corée) mais surtout d'une femme à la beauté ravageuse et attirante. Syd, évidemment, en tombe naïvement amoureux, et se retrouve dans un tourbillon contradictoire d'actes et de sentiments. Puis apparaissent l'amertume et le ressentiment propre à l'amant floué. Entre en jeu la fille des Kessler, alors adolescente, attirée bien malgré elle dans ce compliqué chassé-croisé amoureux. L'ambiguïté machiavélique des personnages, d'une banalité hors-norme, corse cette intrigue truffée de faux-semblants.
Le talent de Craig Holden pour faire vivre des personnages est indéniable, leur conférant humanité et contradictions qui les rendent de chair.