Un coup de coeur de Mollat
Un petit météore, réjouissant et chaleureux, s'est manifesté le temps d'une émission sur France Culture un mardi matin vers 9 heures, il s'agissait de Raymond Federman dont quelques personnes ont retenu l'éminente qualité de son intervention et surtout de la lecture extraite de son livre, enthousiaste et gouailleuse, vivace, joueuse, surprenante à plus d'un titre, tutoyant l'auditeur comme un franc camarade.
Ce dernier, surpris et conquis d'avoir été guidé par une saine curiosité, s'est, à coup sûr, émerveillé des épanchements, confessés mais offerts au tout venant, de ce lecteur magnifique qui lisait son roman, donc un livre, et dont je peux certifier qu'à n'importe qu'elle page, ouverte au hasard, on retrouve la ferveur et l'humour voire la drôlerie du propos qui pourtant ne relate pas toujours un bonheur éclatant, mais là est la force de Raymond Federman.
Ce nom absolument inconnu par le plus grand nombre y compris par ceux, tout de même, quelque peu impliqués dans la vie littéraire, tarde à se révéler au public et à la critique. Son exil, il est vrai, aux États-Unis, ne facilite pas son entrée dans le je-ne-sais-plus-quel-arrondissement parisien qui couronne les rois des lettres et décerne les médailles à bons prix.
Justement, La fourrure de ma tante Rachel, puisque tel est le titre de son livre, se pique de narrer quelques micro-événements de la capitale parisienne, notamment la réception d'un roman, possiblement publiable, auprès de quelques pontes de l'édition française, mais ceci n'est que farce et allègre amusement, l'auteur a plus à dire à l'auditeur attentif de son roman, il déverse un monologue gentiment querelleur débutant ou reprenant par des "Mais non, t'as rien compris" ou "Comment ça tu ne connais pas" pour mieux annoncer une épopée oscillant entre la France et l'Amérique et marquée par quelques dates, 1942, 1944 (l'homme naquit en 1928). Une épopée, certes, autobiographique mais corrigée, réinventée, utilisée à la seule fin du style, illuminée par le souvenir, personnel ou collectif, qui hante encore les consciences françaises, évoquée sans lourdeur ni dolorisme, approchée avec hauteur, distance et lucidité.
Rien ne s'est perdu dans cet exercice exacerbé de la mémoire, le fabuleux "roman des nouilles" qui se passait à "nouille York" et qui servait de prétexte à cette conversation (à sens unique) dans quelque bistrot parisien ne verra sans doute jamais le jour mais il aura permis de révéler une galerie de personnages que la rancoeur dispute à l'amour jusqu'à l'apparition radieuse et merveilleuse de la fourrure de la tante retrouvée, la tante Rachel évidemment.